mercredi 4 avril 2012

La mogette, l'enfant du bocage

PAYS DE LOIRE : LE BOCAGE VENDÉEN

Qui se souvient de cette jolie fève blanche de Vendée qui pourrait bien faire de l'ombre aux longs haricots verts de nos assiettes ?

Il se pourrait bien - si on n'y prend garde - que le paysage du bocage vendéen vienne un jour remplir les albums photos que nous montrerons à nos petits enfants lors d'hypothétiques veillées de Noël. Le danger ? Une uniformisation des cultures qui tend à faire disparaître les haies vives, ces hautes haies qui composaient voici encore quelques décennies un superbe patchwork de nuances verdoyantes. Toutes n'ont pas disparu, certes, mais la tendance nécessitait une prise de conscience rapide que la création d'un parc naturel régional, toujours en cours, viendrait conforter. Bien sûr, certains argumenteront que les structures agraires doivent évoluer, d'autres que la disparition de ces haies condamne une culture ancestrale et des processus de fabrication tout aussi anciens, tout en aplanissant encore plus le paysage, déjà peu joyeux avec ses faibles ondulations de terrains…
En ce qui nous concerne, loin des débats agro-économiques, la question consisterait plutôt à savoir si la mogette, l'aliment ô combien emblématique de ce pays, n'en serait pas menacée, symbole cultural traditionnel du bas-bocage vendéen… C'est que cette joufflue variété n'est pas une mince affaire dans la région : issu pour partie du lingot dans le nord du département de la Vendée, et du coco paimpolais dans sa partie sud, ce haricot très brillant n'est ni plus ni moins que le plat « national local ». Sa forme rectangulaire et cette blancheur immaculée le rendent facilement identifiable, même s'il est plus aisé de le comparer à l'état sec que cuit, - puisque sa fine peau virginale à tendance à éclater à la cuisson. Pour autant, niveau physique, ce haricot n'a rien à voir avec ses ancêtres, puisqu'il nous vient tout droit d'Outre Atlantique, d'où il débarqua au milieu du XVIe siècle.
Un haricot grand voyageur
Des quais de quelque ports hispaniques, il s'éparpilla sur notre territoire, en prenant, selon les contrées, les noms les plus variés : haricot dans le plus simple appareil francilien, il devint fève ici, pois, par là, mogette ou ençore « mongette » (1)… Il fallut quelques décennies à notre expatrié américain pour trouver sa terre d'élection, une nouvelle patrie, en quelque sorte. Et ou croyez-vous qu'il finit par élire domicile ? Dans le bocage vendéen, dans le sud du département, aux alentours du village de Conches. Au milieu,du XIXe siècle, ce grand voyageur n'avait parcouru que quelques poignées de kilomètres, puisque sa production sortait à peine des limites du département. Aujourd'hui, il fait l'objet d'une culture assidue organisée par une profession surtout présente dans le quart nord-ouest de la Vendée, une profession qui souhaiterait par ailleurs associer une AOC sur trois cantons à cette culture.
Côté contingences matériels, la mogette peut être d'un bon rapport, pour peu que le haricot puisse s'épanouir dans une terre douce, limoneuse, et des sols peu séchants. En fait, la culture de la mogette est une activité sensible, ne demandant ni trop d'humidité ni trop de sécheresse. D'où le développement connu par notre « bean » vendéen sur ces terres tempérées. Et si la récolte est automnale (septembre), sa consommation ô combien goûteuse est annuelle…

(1) Cette dénomination renvoie à la mange, vocable qui désignait jadis une religieuse. Certains virent, dans le haricot blanc à peine ponctué d'un point noir central, la figure d'une religieuse encapuchonnée.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°181 (du 16 au 22 avril 2004).

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