AUVERGNE : LIMAGNE BOURBONNAISE
Certains pensaient la pratique perdue, d'autres
n'ont pas hésité à retrousser leurs manches pour redonner vie à cette tradition
locale, celle de la moutarde de Charroux, dont la finesse n'a d'égale que la
beauté du village éponyme classé parmi les plus beaux de France !
Charroux en Limagne bourbonnaise, et non pas
Charroux, chef-lieu de canton en Vienne, côté Atlantique. Charroux, bourg de
caractère classé parmi les plus beaux villages de France, perché sur son
plateau, aux rues et ruelles pavées à l'ancienne, avec ses belles maisons à
colombages et son enceinte… Nous sommes ici à la limite du bocage bourbonnais,
avec son parcellaire orné de haies vives, ses prés où paissent vaches et veaux,
et la Limagne bourbonnaise, paysage de plateaux tant sur sa façade orientale
qu'occidentale, délimitant la partie la plus septentrionale de l'opulente et
fertile plaine de Limagne. Ici, vous pénétrez dans le royaume des plaines
cultivées, où les cultures délimitent un camaïeu de vert, brun, jaune, sur des
sols noirs, colorés par l'humus végétal, riches de promesses pour les
cultivateurs locaux.
Ici aussi, comme en Bourgogne, une tradition de
moutarde était née jadis, aidée par les nombreux échanges de cette terre de
passage, drainée par l'Allier et son affluent la Sioule. Une moutarde qui
disparut momentanément au milieu du siècle dernier, pour être remise au goût du
jour par un couple de producteurs qui relança sa fabrication au tournant des
années 1990. En s'inspirant de documents anciens, important leur graine de
sénevé du Canada, ces fabricants artisanaux ajoutent à la graine broyée du vin
blanc de Saint-Pourçain, issu du cépage local dit tressalier qui donne à la
mixture un goût particulier. Après quelques semaines de maturation, la pâte est
prête à être conditionnée. Avec l'aide de grands chefs locaux, (citons
Troisgros, Ritz, Passard…), de nouvelles saveurs ont été créées, comme
« Pourpre de Saint-Pourçain » : rien à voir avec les vins de la
ville homonyme, si ce n'est l'utilisation, dans sa réalisation, non pas de vin,
mais de vinaigre rouge ainsi que du jus de raisin rouge au lieu du classique
vinaigre blanc. Cette moutarde semble être particulièrement appréciée sur du
gibier.
Au total, la petite entreprise familiale produit pas
moins de 40 tonnes de moutarde par an, dont - fierté locale - quelques palettes
partent vers le Japon ou encore l'Uruguay.
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°184
(du 07 au 13 mai 2004).
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