mercredi 18 avril 2012

Un pays qui chérit ses enfants

RHÔNE-ALPES : HAUT-VIVARAIS

Ces enfants du pays sont ceux de l'Histoire, avec un H majuscule, et ceux de la ville d'aujourd'hui à travers une pâtisserie de farine, œufs, écorces d'oranges et sucre, les pantins d'Annonay…

Il n'y avait eu quelques travaux d'aménagement routiers, la région souffrirait - certaines mauvaises langues prétendent qu'elle souffre toujours - d'un enclavement maladif, coincée entre le Rivage, cette marche ultime qui mène les Ardéchois dans le sillon rhôdanien, et les monts du Velay. Mais c'est vraisemblablement cet enclavement qui donna à cette région cet attrait que des générations de protestants louèrent. Riche d'une longue tradition d'accueil, le Haut-Vivarais fut, en effet, une des terres privilégiée de la religion prétendue réformée, mais aussi, par contrecoups, un des pays de l'Hexagone les plus meurtris par les guerres de religion qui l'ensanglantèrent. Pour qui parcourre ses étendues, la région offre une quiétude qui illustre mal ces empoignades séculaires qui provoquèrent ruines, disettes et pauvreté : dans un décor de petits plateaux fragmentés, le paysage décrit une mosaïque verdoyante, égrenant polyculture sur les pentes basses de ces talus de plateaux et prairies sur les parties sommitales. Dans cet entrelacs, les châtaigneraies offrent une alternative à la prédominance des résineux, donnant à l'automne des nuances marron sombre à la marée de verts épais.
Le pays de l'entreprise Canson
Les petites vallées drainent quelques jolies rivières et d'innombrables ruisseaux. C'est à la confluence de deux d'entre elles que s'établit Annonay, ancienne capitale des parcheminiers, mégissiers (ouvriers qui mégissaient, tannaient les peaux) et autres tanneurs sous l'Ancien Régime, mais aussi de la papeterie, puisqu'une des plus connues des entreprises de cette branche, une aussi des plus connues des écoliers que nous fument tous, y élut domicile (Canson).
Mais Annonay, une des grandes villes industrielles de l'Ardèche, communique aussi beaucoup sur ses enfants, ceux de l'Histoire et ceux de tous les jours. Ceux de l'Histoire ont pour nom Étienne et Joseph Montgolfier, deux prodiges dont le patronyme est resté pour l'éternité synonyme d'aérostation et de vols stabilisés. C'était le 4 juin 1783, les deux frères réalisaient la première ascension.
Cet événement est resté l'incontournable symbole de cette ville à au moins deux titres : une fête, tous les premiers week-ends de juin, célèbre cet exploit ardéchois, et l'image de la montgolfière des deux frères fait plus que bonne figure sur la sucrerie locale, les fameux pantins d'Annonay. Issus d'une longue tradition religieuse, ces biscuits ont, en effet, couvert tous les registres connus, de la forme humaine aux aérostats en passant par les animaux en rapport avec la Bible. C'est à la fête des Rameaux que leur origine est liée, à !'époque où les enfants de la ville attachaient ces formes sucrées à des branches de buis avant d'aller les faire bénir à l'église. Si la tradition pascale des buis a fléchi, celle des pantins a survécu, grâce aux pâtissiers et boulangers de la ville qui ont fait perdurer ces formes glacées d'un nappage rose dont seule la ville a prolongé encore aujourd'hui la mémoire pendant la période pascale.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°183 (du 30 avril au 06 mai 2004).

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