Non, la salicorne n'est pas une algue, mais une plante qui apprécie les eaux saumurées pour se développer. Commune à la plupart de nos côtes, elle trouve en terre d'Oléron un espace particulièrement propice à sa croissance.
L’île d’Oléron… Qui ne connaît cette épatante destination de vacances, ses longues plages sablonneuses sur sa côte ouest, face au grand large, ses vents parfois à décorner les bœufs, mais qui rendent l'air si respirable. Certains lui reprochèrent longtemps d'être rattachée au continent, et boudèrent pendant des décennies cette île pour sa voisine, l'Île de Ré, jusqu'au jour où celle-ci fut à son tour rattachée au continent par un pont viaduc qui mit les bacs La Rochelle/Rivedoux-Plage à la retraite anticipée.
À l'extrémité nord d'Oléron, des falaises plongent dans la mer ; sur la côte est, face au continent, les terres se couvrent d'anciens marais salants reconvertis dans l'ostréiculture, de quelques dunes et de quelques plages. Bref, un environnement contrasté que de nombreux vacanciers envahissent, tantôt par le passage du coureau d'Oléron (D26), tantôt grâce aux navettes saisonnières qui relient l'Île au pays rochefortais.
Olus aleriis, en latin, « la terre qui produit des légumes », et, justement, le climat particulièrement doux de l'île autorise quelques floraisons superbes, comme celle des mimosas et autres orangers, mais aussi, côté est de l'île, de la salicorne, également connue sous les noms de « criste-marine » et « perce-pierre ». Sa présence peut paraître anecdotique puisque toute la côte Atlantique française en possède - notamment la baie de Somme, premier site de production nationale - mais cette plante trouve tout son bonheur dans les anciens marais salants d'Oléron qui connaissent ici une reconversion intéressante. Cette gloire du marché de Saint-Pierre - modeste mais conviviale capitale de l'île - connaît pourtant une culture délicate puisque sa pousse demande une eau douce, alors que la croissance de la plante ne se réalise qu'en milieu salin.
De petites fleurs jaunes en été
Si elle végète tout l'hiver, cette pousse reprend aux premières chaleurs du printemps dans les vases salées, où la jeune salicorne - s'en trouvant régulièrement immergée lors des marées - récupère cet incomparable goût salé qui exclut, lors de sa consommation, tout ajout de sel ! Ce n'est qu'à la fin de l'été, que de petites fleurs jaunes font leur apparition de part et d'autre des tiges de la plante. Après avoir lâché ses graines, elle se dessèche alors, formant un squelette qui perturbera la croissance des pousses suivantes. C'est un des gros problèmes de la culture de la salicorne : l'entretien des « champs », puisque non seulement il faut retirer les anciennes plantes desséchées, mais aussi écarter les autres (comme la soude marine ou la salicorne ligneuse) qui viennent se mêler à la salicorne.
L'autre souci de la culture porte l'absence de mode cultural scientifique, les producteurs se bornant à deux méthodes empiriques. La première, intensive, consiste à cueillir, dans la nature, les éléments et à les adapter à des sols insubmersibles permettant une mécanisation de la culture. La seconde, extensive, vise à chasser tout élément concurrent à la salicorne d'un terrain sur lequel le plan va se multiplier.
En cuisine, la jeune salicorne peut se consommer crue nature ou en vinaigrette, dès mai, juin. Les mois qui suivent il est préférable de la blanchir quelques instants dans l'eau bouillante pour lui ôter son amertume et le sel en excès revenue à la poêle, avec du beurre, de l'ail et du persil, la salicorne peut alors accompagner poissons, viandes rouges ou blanches, volailles.
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°234 (du 22 au 28 avril 2005).
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