jeudi 8 novembre 2012

Timadeuc : le fromage des irréductibles…


BRETAGNE : LE PORHOËT

Ils n'ont pas que le chapeau rond, les Bretons… Ils ont aussi un fromage du type pâte pressée non cuite, que perpétue l'abbaye de Timadeuc faisant ainsi mentir l'idée que la Bretagne n'a pas sa place sur un plateau de fromage.

Bréhan, vous connaissez ? Nous sommes ici au cœur du pays de Porhoët, un morceau du massif armoricain composé de vieux plateaux schisteux et granitiques. Autour de ce village au nom sec comme le roc, c'est un peu le pays des korrigans et des elfes, ces esprits malicieux qui jalonnent les légendes celtes de Breizh (la Bretagne). Pays de landes et de bois, il jouxte le pays de Paimpont et sa fameuse forêt côté levant et constitue, du nord au sud, une zone de transition entre cette Bretagne qui descend vers le golfe du Morbihan et le septentrion, plus déchiré, des pays de Penthièvre, de Goëlo et de Trégor. Ici, tous les villages fleurent bon la bolée de cidre en accompagnement des crêpes de sarrasin, la pierre y est grise, rude, dense… De ces matériaux presque inusables dont les bâtisseurs firent églises, chapelles, calvaires et autres enclos. Voilà pour le décor général, parce que, a y regarder de plus près, Bréhan aurait plus des allures de village gaulois résistant à « l'envahisseur » qu'à un bourg de contes et légendes. Toute ressemblance avec le sujet d'une fameuse bande dessinée d'origine belge ne serait que fortuite. Il n'empêche !
Timadeuc, une ferme pilote
Les éléments du récit se mettent en place voilà deux siècles, quand des moines trappistes s'installent vers 1841 dans les environs du bourg de Bréhan et créent l'abbaye de Timadeuc. Dès le début, les moines souhaitent mettre à profit - à l'instar des Bourguignons de Cîteaux - le cheptel bovin et laitier dont ils disposent pour produire un fromage local, unique, une sorte de signature, un peu comme la potion magique de Panoramix. Bref, quelque chose à eux, à ne partager avec personne. Ils s'inspirent alors de la recette du fromage port-salut, celui que confectionne leurs voisins moines de Mayenne, tout proches.
Le sérieux de la démarche, la technicité des moines - toujours formés pour être à la pointe des connaissances techniques, qu'il s'agisse de fabrication ou d'hygiène - faisaient déjà de l'abbaye, dans les années 1950, une des installations les plus modernes : la fromagerie de l'abbaye de Timadeuc est alors une ferme-pilote en Bretagne ! Dans les années 1960, les moines abandonnent l'élevage porcin et avicole pour ne se consacrer qu'au seul fromage dans une démarche qualitative qui se résume en quelques lignes : le respect d'un cheptel limité, « compte tenu des contraintes liées à la traite », précise frère André, un travail méticuleux de la pâte caillée et une expérience jamais prise en défaut ! Le fromage est fabriqué deux fois par semaine, pour produire une pâte dite pressée non cuite, disposant d'une croûte naturelle et blonde. Les années passant, les moines de l'abbaye de Port-du-Salut ont stoppé leur activité fromagère, laissant seuls les trappistes de Timadeuc… Mais il ne s'agit nullement d'une production étriquée : pas moins de quarante tonnes de fromage sortent de l'abbaye, à destination, bien sûr, de l'accueil de celle-ci, mais aussi des comités d'entreprise et des épiceries de détail, voire de quelques grandes surfaces de la région Bretagne…

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°210 (du 05 au 11 novembre 2004).

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