BRETAGNE : LE
PORHOËT
Ils n'ont pas que le chapeau rond, les Bretons…
Ils ont aussi un fromage du type pâte pressée non cuite, que perpétue l'abbaye
de Timadeuc faisant ainsi mentir l'idée que la Bretagne n'a pas sa place sur un
plateau de fromage.
Bréhan, vous connaissez ? Nous sommes ici au
cœur du pays de Porhoët, un morceau du massif armoricain composé de vieux
plateaux schisteux et granitiques. Autour de ce village au nom sec comme le
roc, c'est un peu le pays des korrigans et des elfes, ces esprits malicieux qui
jalonnent les légendes celtes de Breizh (la Bretagne). Pays de landes et de
bois, il jouxte le pays de Paimpont et sa fameuse forêt côté levant et
constitue, du nord au sud, une zone de transition entre cette Bretagne qui
descend vers le golfe du Morbihan et le septentrion, plus déchiré, des pays de
Penthièvre, de Goëlo et de Trégor. Ici, tous les villages fleurent bon la bolée
de cidre en accompagnement des crêpes de sarrasin, la pierre y est grise, rude,
dense… De ces matériaux presque inusables dont les bâtisseurs firent églises,
chapelles, calvaires et autres enclos. Voilà pour le décor général, parce que,
a y regarder de plus près, Bréhan aurait plus des allures de village gaulois
résistant à « l'envahisseur » qu'à un bourg de contes et légendes.
Toute ressemblance avec le sujet d'une fameuse bande dessinée d'origine belge
ne serait que fortuite. Il n'empêche !
Timadeuc, une ferme pilote
Timadeuc, une ferme pilote
Les éléments du récit se mettent en place voilà deux
siècles, quand des moines trappistes s'installent vers 1841 dans les environs
du bourg de Bréhan et créent l'abbaye de Timadeuc. Dès le début, les moines
souhaitent mettre à profit - à l'instar des Bourguignons de Cîteaux - le
cheptel bovin et laitier dont ils disposent pour produire un fromage local,
unique, une sorte de signature, un peu comme la potion magique de Panoramix.
Bref, quelque chose à eux, à ne partager avec personne. Ils s'inspirent alors
de la recette du fromage port-salut, celui que confectionne leurs voisins
moines de Mayenne, tout proches.
Le sérieux de la démarche, la technicité des moines -
toujours formés pour être à la pointe des connaissances techniques, qu'il
s'agisse de fabrication ou d'hygiène - faisaient déjà de l'abbaye, dans les
années 1950, une des installations les plus modernes : la fromagerie de
l'abbaye de Timadeuc est alors une ferme-pilote en Bretagne ! Dans les
années 1960, les moines abandonnent l'élevage porcin et avicole pour ne se
consacrer qu'au seul fromage dans une démarche qualitative qui se résume en
quelques lignes : le respect d'un cheptel limité, « compte tenu des
contraintes liées à la traite », précise frère André, un travail
méticuleux de la pâte caillée et une expérience jamais prise en défaut !
Le fromage est fabriqué deux fois par semaine, pour produire une pâte dite
pressée non cuite, disposant d'une croûte naturelle et blonde. Les années
passant, les moines de l'abbaye de Port-du-Salut ont stoppé leur activité
fromagère, laissant seuls les trappistes de Timadeuc… Mais il ne s'agit nullement
d'une production étriquée : pas moins de quarante tonnes de fromage
sortent de l'abbaye, à destination, bien sûr, de l'accueil de celle-ci, mais
aussi des comités d'entreprise et des épiceries de détail, voire de quelques
grandes surfaces de la région Bretagne…
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°210
(du 05 au 11 novembre 2004).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire