jeudi 7 février 2013

Saint-marcellin : vacherie de fromage


RHONE-ALPES : LES CHAMBARANS

En bordure de vallée, du côté de Saint-Marcellin, le fromage au lait de vache fait corps avec la petite cité éponyme. Parcours d’un produit qui, du temps du roi Louis le onzième, coexistait avec les loups.

Pour qui aime les villages esseulés blottis au fond des vallons et les vastes frondaisons obscures, les Chambarans sont une région idéale. Hélas, les terres de ce plateau argileux le sont moins : tout à la fois acides et glaiseuses, elles sont impropres à nombre de cultures. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les Antonins s’installèrent dans ces lieux dès le XIe siècle pour accueillir dans leur abbaye les malades rejetés des villes, qu’il s’agisse des populations atteintes de la peste ou du mal des ardents (le feu de Saint-Antoine). A l’époque, ces terres sont en revanche infestées de loups, ours et autres sangliers, et leur traversée est des plus périlleuses.

© DR.
Aujourd’hui, tous ces quadrupèdes ont laissé la place à d’autre, à la bonhommie réputée : des vaches y produisent en effet le lait nécessaire à la fabrication du fromage local, le saint-marcellin, dont la production remonterait, dit-on, au XVe siècle. La tradition locale rapporte que le futur Louis XI aurait fait connaissance avec le fromage à la suite d’un accident de chasse survenu en pleine forêt de Lente, située à deux pas des Chambarans, à la limite du Vercors et du Diois.
L’héritier au trône de France aurait alors été hébergé dans une cabane de bûcherons qui lui auraient offert ledit produit avec une tranche de pain. Lorsqu’il remonta à la capitale, puis accéda au trône, il aurait introduit le fromage sur la table royale. Le saint-marcellin n’aurait alors plus quitté les grandes tables bourgeoises de la région…
Une définition très récente du produit
Si autrefois, le lait était collecté par des ramasseurs qui partaient de village en village, la tâche devient plus aisée avec l’apparition des voitures à cheval, mais surtout avec l’avènement du chemin de fer. Avec la création du réseau PLM (Paris-Lyon-Marseille) et d’une gare à Saint-Marcellin en 1864, le travail des ramasseurs se fait plus aisé. La production se développe et, avec elle, les formats de fromages se diversifient. Il faut attendre la parution d’un décret au Journal officiel en 1980 et confirmé le 31 décembre 1988, pour bénéficier d’une définition claire du produit : « La dénomination saint-marcellin est désormais réservé à un fromage de forme cylindrique à bords arrondis, d’un diamètre de 70 mm environ de 20 à 25 mm de hauteur et pesant au moins 80 g. »
Aujourd’hui, cette directive concerne pas moins de 3 millions de fromages, une production annuelle qui nécessite quelque 25 millions de litres de lait de vache.
Deux mots sur sa fabrication : elle s’apparente à celle de bien des fromages : à l’emprésurage- stade où la présure est ajoutée au lait pour obtenir le caillé – succède, dès le lendemain, le moulage. Notre fromage est ensuite égoutté et son petit lait récupéré. Viennent ensuite le retournement-salage, d’une durée de trois heures pendant lequel le produit est salé sur une face puis retourné ; puis, le démoulage-salage, lors duquel le fromage est démoulé et sa seconde face salée. Il est ensuite mis à sécher puis disposé dans des hâloirs afin qu’il s’affine.

Le formage bénéficie d’une IGP (Indication Géographique Protégée) en attente d’une AOC dont le dossier a été déposé en… 1995.

Julien Frizot – journal Le Bien Public – Quartier libre n°276 (du 10 au 16 février 2006).

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