RHONE-ALPES :
LES CHAMBARANS
En
bordure de vallée, du côté de Saint-Marcellin, le fromage au lait de vache fait
corps avec la petite cité éponyme. Parcours d’un produit qui, du temps du roi
Louis le onzième, coexistait avec les loups.
Pour
qui aime les villages esseulés blottis au fond des vallons et les vastes
frondaisons obscures, les Chambarans sont une région idéale. Hélas, les terres
de ce plateau argileux le sont moins : tout à la fois acides et
glaiseuses, elles sont impropres à nombre de cultures. Ce n’est d’ailleurs pas
un hasard si les Antonins s’installèrent dans ces lieux dès le XIe siècle pour
accueillir dans leur abbaye les malades rejetés des villes, qu’il s’agisse des
populations atteintes de la peste ou du mal des ardents (le feu de
Saint-Antoine). A l’époque, ces terres sont en revanche infestées de loups,
ours et autres sangliers, et leur traversée est des plus périlleuses.
© DR. |
L’héritier
au trône de France aurait alors été hébergé dans une cabane de bûcherons qui
lui auraient offert ledit produit avec une tranche de pain. Lorsqu’il remonta à
la capitale, puis accéda au trône, il aurait introduit le fromage sur la table
royale. Le saint-marcellin n’aurait alors plus quitté les grandes tables
bourgeoises de la région…
Une définition très récente du produit
Si
autrefois, le lait était collecté par des ramasseurs qui partaient de village
en village, la tâche devient plus aisée avec l’apparition des voitures à
cheval, mais surtout avec l’avènement du chemin de fer. Avec la création du
réseau PLM (Paris-Lyon-Marseille) et d’une gare à Saint-Marcellin en 1864, le
travail des ramasseurs se fait plus aisé. La production se développe et, avec
elle, les formats de fromages se diversifient. Il faut attendre la parution
d’un décret au Journal officiel
en 1980 et confirmé le 31 décembre 1988, pour bénéficier d’une définition
claire du produit : « La dénomination saint-marcellin est désormais réservé à un fromage
de forme cylindrique à bords arrondis, d’un diamètre de 70 mm environ de 20 à
25 mm de hauteur et pesant au moins 80 g. »
Aujourd’hui,
cette directive concerne pas moins de 3 millions de fromages, une production
annuelle qui nécessite quelque 25 millions de litres de lait de vache.
Deux
mots sur sa fabrication : elle s’apparente à celle de bien des
fromages : à l’emprésurage- stade où la présure est ajoutée au lait pour
obtenir le caillé – succède, dès le lendemain, le moulage. Notre fromage est
ensuite égoutté et son petit lait récupéré. Viennent ensuite le
retournement-salage, d’une durée de trois heures pendant lequel le produit est
salé sur une face puis retourné ; puis, le démoulage-salage, lors duquel
le fromage est démoulé et sa seconde face salée. Il est ensuite mis à sécher
puis disposé dans des hâloirs afin qu’il s’affine.
Le
formage bénéficie d’une IGP (Indication Géographique Protégée) en attente d’une
AOC dont le dossier a été déposé en… 1995.
Julien
Frizot – journal Le Bien Public – Quartier libre n°276 (du 10 au 16 février
2006).
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