mercredi 22 août 2012

L’embarras d’anchois


LANGUEDOC-ROUSSILLON : ALBÈRES 

Alors qu'une Indication Géographique Protégée vient de lui être accordée l'anchois de Collioure, véritable symbole local connaît une crise sans précédent due à la raréfaction de la matière première.

Certaines régions de France, par l'actualité de leurs saveurs, nous obligent à les privilégier à une période de l'année. C'est le cas du Languedoc-Roussillon. Nous avons dernièrement évoqué les environs de la région du Roussillon, du côté des Fenouillèdes, pour des vins. Nous voici aujourd'hui revenus dans le coin, mais pour prendre un peu le large, du côté de la mer, afin d'évoquer la pêche aux anchois, les anchois de Collioure, et c'est ici que nous allons accoster pour ce sujet maritime et saisonnier…
L'arrière-pays de Collioure prend pour nom « Albères » quand il grimpe à l'assaut des ultimes replis du massif pyrénéen, qui prend son élan depuis le pays basque pour venir, ici, plonger dans l'eau bleutée. Ce coin de France reste couvert de vertes forêts entrecoupées de routes sinueuses qui nous éloignent de la côte et de notre sujet. Plus près de Collioure, la nature se fait plus abrupte au fur et à mesure que l'on s'approche de l'eau, parfois surmontée de belles falaises sur lesquelles l'homme fait pousser quelques alignements de vignes…
Quant à Collioure, la petite cité fortifiée garde quelques traces de son activité principale, cette fameuse pêche aux anchois, effectuée d'avril-mai à septembre-octobre grâce à des filets. Pendant des décennies, la bourgade a vécu de cette activité et, notamment, de la salaison des poissons, vidés dès leur arrivée à terre ferme.
Une pêche en perte de vitesse
Or, bien des indications marquent le déclin de cette activité qui faisait vivre jadis nombre de familles modestes… Si l'anchois fit en son temps la renommée de Collioure, les faits sont là : l'approvisionnement ne suit plus et les deux dernières maisons de salaison - ancestrales - encore existantes, pourraient bien en pâtir durablement.
Un coup dur, alors que l'anchois de Collioure vient d'être admis dans le cercle des produits bénéficiant d'une Indication Géographique Protégée (lGP) et rejoint ainsi les quelque 650 produits européens aujourd'hui protégés… Une pêche en perte de vitesse, un label qui avait été espéré avec ardeur couronne huit années d'interrogations et de démarches. Mais voilà, ce gage de qualité, synonyme de professionnalisme, et d'excellence, arrive dans une conjoncture délicate : voilà deux ans que les pêcheurs assistent à une baisse du tonnage d'anchois ramené à Collioure. Sont incriminés les pêcheurs qui ne se contentent plus de pêcher de mai à septembre, comme jadis, mais travaillent en hiver également pour faire face aux appétits féroces des conserveries espagnoles et marocaines… D'où une raréfaction du poisson puisque, à cette époque, il est trop petit pour être traité comme « anchois de Collioure ».
Dans ce climat d'inquiétude, les deux entreprises encore existantes à Collioure, Roque et Desclaux, connaissent quelques difficultés à mettre en œuvre l'IGP pourtant tant désirée. Ici, personne n'a envie de connaître le sort réservé à la petite trentaine de « magasins » (salaisons) qui, autrefois, faisaient vivre la région.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°251 (du 19 au 25 août 2005).

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