Soumise à une rude concurrence de ses voisines bretonnes (Belon, Nacre des abers…) ou normandes, la Fine de claire tient encore le haut du pavé grâce notamment, à une spécificité locale encouragée d'un label.
Coincé entre l'îIe d'Oléron et la bonne ville de Royan, le décor ressemble à s'y méprendre aux salines de Noirmoutier ou de Guérande, situées un peu plus au nord sur la côte atlantique : une succession de bassins lunaires, quand ils sont vides, ou reflétant les ardents rayons du soleil à la belle saison. Normal, puisque pendant près d'un millénaire, avant que l'activité ostréicole se développe, les lieux étaient dédiés à la « culture » du sel. Un paysage de morne plaine à peine rythmé par ses ruissons, ses canaux, ses chenaux et ses cabanes aux couleurs bigarrées dont la diversité n'a d'égal que la disparité des couleurs des bateaux : normal puisque les fonds de pots de peinture utilisés pour ces derniers servent à peindre les premières !
Les pieds dans l'eau de la grande bleue
Mais ici, nulle fleur saline ou gros sel, mais l'une des plus fameuses des huîtres produites sur les côtes hexagonales : la Fine de claire, une des stars de nos tables festives et dont l'histoire commence d'ailleurs dans un tout autre univers, à quelques lieues de là, les pieds dans l'eau de la grande bleue.
Sans rentrer dans tous les détails techniques de la naissance de l'huître, disons que la belle s'agrippe dès son plus jeune âge à tout ce qu'elle peut croiser sur son chemin, tancée par les remous de l'océan : tuiles, ardoises, bouts de plastique, rochers, pierres, pieux… autant de tuteurs salutaires qui permettront au « naissain » (la jeune huître) d'échapper à ses nombreux prédateurs naturels.
Étape suivante, le « détrocage », souvent réalisé par les femmes des ostréiculteurs, qui consiste à séparer l'huître de son support.
Dès lors, la belle est disposée dans des parcs dont elle ne sortira que deux ou trois ans après. Là, elle sera bichonnée à même un sol ni trop sablonneux ni trop graveleux pour ne pas nuire à la croissance de l'animal qui prendra le temps de former tant sa coquille que sa musculature (celle qui rend l'ouverture parfois si dangereuse !)…
3 000 hectares d’élevage
Au terme de la troisième année, il est temps d'envisager l'élevage de l'huître - parvenue au stade adulte - à proprement parler : la belle, mise à nue lors des marées qui l'obligent à stocker l'eau de mer entre ses chairs, a déjà appris à résister aux pires températures. Maintenant, elle va apprendre à se bonifier, comme le vin en ses tonneaux, dans cet environnement de claires (3.000 hectares environ sur le bassin de Marennes), entourées de langues de terres étroites, les « abotteaux ».
La chair va s'étoffer, la nacre se consolider. La croissance n'est plus à l'ordre du jour mais plutôt un renforcement de la qualité de l'huître dont certains spécimens vont se teinter… de vert ! Sous l'effet d'une algue savamment désignée sous le vocable de navicula ostrearia, qui se forme au fond des bassins au printemps, certaines huîtres vont bleuir - certains disent verdir - mais pas toutes. D'une claire à l'autre, l'algue unicellulaire peut se faire aussi prolifique que discrète, donnant à chaque parcelle une spécificité, à l'instar des clos de vins bourguignons.
Aujourd'hui, la Fine de claire - blanche ou verte - possède un label rouge, faisant de ce mollusque le premier fruit de mer labellisé.
CONSEILS
• Conservation :
De préférence dans leur bourriche, à plat, entre 5 et 15°C, pendant une dizaine de jours depuis leur sort de l'eau.
• Fraîcheur :
Difficile à ouvrir, l'huître doit montrer une légère réaction au niveau de son « manteau » sous l'action d'une fourchette goutte de citron.
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°252 (du 19 au 25 décembre 2003).
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