mercredi 14 décembre 2011

Bayonne, une histoire de… chocolat

AQUITAINE : LE PAYS BASQUE

Plus facilement associée à son jambon qu'à la fève de cacao et ses produits dérivés, Bayonne, capitale du Labourd basque, n'en possède pas moins un réel savoir-faire. Rappels historiques et précisions de fabrication…

N’en déplaise aux amateurs de cochonnaille, la ville de Bayonne n'est pas seulement associée au jambon, mais aussi, à l'approche des fêtes de fin d'année, à la plus suave des sucreries : le chocolat !
La ville, véritable joyau historique, est déjà à elle seule un régal que l'on découvrira à pied en arpentant ses rues ou encore les arceaux (on ne dit pas ici « arcades ») de la rue du Pont-Neuf, pour se hisser jusqu'au parvis de la cathédrale. Un de ses plus agréables délices : les quais de la Nive, en contrebas, avec ses hautes façades aux maisons habillées de volets verts, bleus ou rouges sang de bœuf…
Une fève exotique en terre basque
Installée à la confluence stratégique de l'Adour et de la Nive, la ville fut fortifiée par un… Bourguignon, un certain Vauban qui souhaitait ainsi la protéger des incursions espagnoles. La belle Basque en a conservé forteresses et remparts au cœur desquels le cloître de la cathédrale fait figure de diadème.
Mais ces pérégrinations basques n'expliquent pas la présence d'une fève exotique dans cette cité commerciale tournée vers la mer. C'est paradoxalement par la terre que le cacao arriva à Bayonne, pendant l'Inquisition : persécutées, chassées, les populations juives d'Espagne vinrent se réfugier en France en apportant dans leurs bagages cette délicatesse débarquée en Espagne des Amériques vers 1524. Les Bayonnais découvrirent sans doute le chocolat avant le reste de la France, puisque l'entrée officielle du chocolat en notre royaume daterait de 1615 et du mariage de Louis XIII avec l’infante Anne d'Autriche, fille de Philippe III d'Espagne. Devenant une denrée appréciée, le chocolat fut l'objet de rivalités commerciales entre population juive et commerçants. En 1725, les échevins de Bayonne prononcent même une interdiction faite aux juifs du quartier Saint-Esprit de fabriquer et de vendre au détail du chocolat en la ville. En 1761, une corporation est même créée pour asseoir le monopole des maîtres-chocolatiers.
Au XIXe siècle, la ville compte plus trentaine de fabricants et affirme sa réputation de ville chocolatière par la qualité de ses produits. Brevets et médailles viennent conforter cette tendance et cette excellence que la Guilde des chocolatiers perpétue de nos jours encore.
De l'art de "concher"
Quelques précisions sur le produit, maintenant. La fève - issue de la cabosse, le fruit du cacaoyer - est mise à fermenter et à sécher avant d'être torréfiée entre 120 et 140° C (nécessaire pour libérer les arômes). Après refroidissement, elle est concassée pour former ce que l'on appelle le « grué » qui subit un premier broyage pour être transformé en masse. Cette masse est pressée de nouveau et ainsi débarrassée de son beurre pour faire du chocolat en poudre, mixée dans des pétrins pour obtenir une pâte homogène pour le chocolat à croquer. Cette pâte sera ensuite plus ou moins longtemps malaxée - on dit « conchée » - avant de se voir ajouter du beurre de cacao pour lui donner meilleure fluidité. Refroidie - opération que l'on appelle le « tempérage » -, la pâte est ensuite moulée entre 28 et 30° C avant d'être de nouveau refroidie dans un tunnel réfrigérant. Démoulé, le chocolat peut alors être vendu pour finir… sur vos tables de fin d'année.

Remerciements particuliers à Valérie et Christophe Puyodebat, chocolatiers-confiseurs à Bayonne pour leur aide dans la réalisation de ce petit dossier.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°162 (du 05 au 11 décembre 2003).

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