mercredi 25 janvier 2012

La bénédictine, élixir monastique

NORMANDIE : PAYS DE CAUX

Si le pays de Caux a très bonne réputation pour ses produits de la mer, un breuvage alcoolisé extirpé du fond des âges reste méconnu : il s'agit de la bénédictine - toujours à consommer avec modération - dont la recette demeure confidentielle.

Pas évident de venir au bord de la Manche pour conter l'existence d'une liqueur, dans un pays à forte tradition céréalière où les produits de mer sont aussi présents sur la table que le raisin dans nos vignes bourguignonnes en automne… C'est pourtant ici, en limite du plateau de Caux, que l'on fabrique la bénédictine, fameuse liqueur locale, dans la réalisation de laquelle pas moins de 27 plantes (dont vanille, safran, cannelle, cardamome, clou de girofle, génépi, bourgeon de pain…) interviennent selon une alchimie et un dosage tenus encore secrets…
La bénédictine : un produit de consommation presque courante (cocktails aromatisés, recettes de crêpes - lire ci-contre), mais aussi une surprise dans ces terres réputées pour leurs hautes falaises s'affaissant sur la mer, leurs colombiers circulaires et leurs maisons typiques closes appelées ici cours-masures (1)…
La bénédictine, une tradition centenaire liée à la ville de Fécamp, port de pêche jadis très actif, ancienne patrie des Terre-Neuvas.
La révélation d'un passionné
L'histoire de cette liqueur trouverait ses origines au XVe siècle, lorsqu'un moine bénédictin, nommé Vincelli, herboriste de son abbaye, aurait eu l'idée de fabriquer un élixir à base de trois plantes autochtones du pays cauchoix : la mélisse, l'hysope et l'angélique auxquelles auraient été rajoutées des plantes exotiques. La tradition évoque alors la perte de la recette lors des événements révolutionnaires jusqu'à sa redécouverte par un passionné de l'histoire médiévale, par ailleurs adepte de Viollet-le-Duc, un certain Alexandre Le Grand (?). Riche négociant normand, cet homme posa de façon indélébile sa présence dans la ville : au milieu du XIXe siècle, il commandite la construction d'un étonnant édifice, toujours debout près du port de plaisance et des bassins, le palais Bénédictine. Mêlant art gothique et Renaissance, cet édifice devient, grâce à la pugnacité de cet homme et à sa redécouverte en 1863 de la recette de la liqueur médiévale, le lieu de distillation (alambics, foudres de chênes, caves…) du fameux breuvage qui prend alors le nom de bénédictine. Depuis, le site accueille des œuvres provenant de l'ancienne abbaye de Fécamp, mais aussi un centre d'art où de jeunes créateurs trouvent un lieu d'expression à visiter…

(1) Il s'agit de cours relevées entourées de fossés autour desquelles s'organisent la maison de la ferme et les bâtiments d'exploitation qui, pour la Plupart, sont devenues des résidences secondaires.


Recette des crêpes à la bénédictine
- 500 g de farine
- 6 œufs
- 2 cuillères d'huile
- 1 verre de bénédictine
- 1 morceau de beurre
- Sucre, eau et lait
- 1 tasse de crème fraîche

Délayer tous ces ingrédients avec l'eau et le lait. Ajouter l'huile, le beurre fondu et la crème. Laisser reposer deux bonnes heures.
Cuire dans une poêle non graissée. Les habitants de Fécamp et de ses environs boivent avec cela un petit verre de la liqueur locale, toujours avec modération.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°170 (du 30 janvier au 05 février 2004).


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