POITOU-CHARENTES : LE CIVRAISIEN
On ne saura si c'est le hasard ou la volonté des hommes qui auront fait rimer ces trois mots pour notre plus grand plaisir : Poitou, chabichou et doux…
D’un saut de cabri du pays charentais, au sud du pays poitevin, la terre prend des allures de bassin ferrugineux, entendez qu'elle devient mystérieusement rouge. Et comme une surprise ne vient jamais seule, elle se couvre de… châtaigniers, devenant alors la fameuse « terre rouge à châtaigniers ».
Si, dans nos contrées bourguignonnes, bien peu de monde peut se vanter d'en avoir entendu jamais parler, dans le Poitou, cette terre reste synonyme de fertilité puisque, argileuse mais perméable, elle recèle limons, sables et phosphates… Un amendement paysan multi générationnel aura fait le reste… C'est aussi aux gens du coin que l'on doit ces petits murets de pierre dressés entre les parcelles de terres, des murets que plus d'un cabri souhaiterait pouvoir franchir si l'occasion lui en était donnée.
Une zone de protection AOC
Sur les mamelons des collines, les céréales alternent avec les pâturages, ceux ouverts pour les caprins, dans une nature largement irriguée de rus et ruisseaux, rivières et fleuve : Clain, Bouleure, Clouère, mais aussi Dive et Charente animent de leurs berges ombragées de peupliers ce paysage qui respire, en son cœur, vers Saint-Romain, l'Ardèche, avec ses alignements de vieux châtaigniers noueux…
Cette candeur champêtre se reflète dans le produit phare de ce coin de paradis : le chabichou, un chèvre doux, dont la zone de production AOC, établie en 1990, couvre le Haut-Poitou calcaire, c’est-à-dire une partie de la Vienne, des Deux-Sèvres et de la Charente. Comme bien des productions de terroir, sa création reste liée à une légende.
On évoque ici, en terre poitevine, cette présence arabe du VIIIe siècle, celle liée aux exploits de Charles Martel et à la défaite des Sarrasins à Poitiers. Quant au nom du fromage, il viendrait du mot arabe « chebli », la chèvre. Certains membres de cette communauté se seraient implantés sur la région poitevine, parfois comme éleveurs de chèvres…
Vin blanc ou rouge, selon affinage
Côté fabrication, rien de bien compliqué. À base de lait de chèvre entier, ce fromage est d'abord transformé en caillé frais moulé à la louche. Il est versé dans un récipient perforé en grès ou en bois en forme de « bonde » tronçonique de 6,5 cm de diamètre pour une hauteur de 7,5 cm (comptez un litre de lait de chèvre pour obtenir un chabichou). Sa pâte présente un aspect blanc, onctueux - pas moins de 45 % de matière grasse lorsque le fromage est jeune, et plutôt cassant lorsqu'il est sec et plus âgé.
Côté visuel extérieur, sa croûte fine petit laisser apparaître quelques moisissures superficielles blanches, jaunes ou bleues.
Côté gustatif, c'est un fromage très doux, facilement consommable à la fin du repas, avec un vin blanc lorsqu'il est jeune (10 jours d'affinage) et un vin rouge lorsqu'il est plutôt affiné (une bonne vingtaine de jours).
Tous ces paramètres ont été précisés par le décret de l'AOC qui fait aujourd'hui la fierté de la région et qui implique, bien sûr, conditions d'élevage, alimentation des animaux, méthodes de fabrication, ou encore durée d'affinage…
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°219 (du 07 au 13 janvier 2005).
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