Certains produits fermiers bénéficient directement, volontairement ou non d'un regain d’intérêt pour l'authenticité et la tradition. Le fromage de Salers voisin du cantal, fait partie de ceux-là.
Il y a un petit quelque chose de morvandiau se retrouve dans ce paysage des monts du Cantal, avec ses haies vives, ses prairies herbagées et ses rangées de frênes ou de chênes! Mais là s'arrête la comparaison. Ici, les volumes sont plus amples, les proportions amenées à l'extrême : vous foulez des 1 pieds l'édifice volcanique unitaire le plus important d'Europe ! Rien que cela.
Inutile d'évoquer la complexité de la géologie locale, un moine cistercien en perdrait son latin pas moins de 17 millions d'années d'histoire de tectonique et de volcanisme, sachez seulement que la physionomie du pays décrit de façon presque pyramidale un ensemble de crêtes centrales (Puy Mary, Puy Griou, Puy Violent…) autour desquelles se déploient de nombreux cirques, mais aussi et surtout de larges et parfois profondes vallées glaciaires largement tapissées de vert, la couleur dominante en ces paysages de pâturages. Pour autant, ce ne sont pas les activités humaines qui dominent la région. D'une part parce que les sols sont trop accidentés pour en permettre l'exploitation, mais aussi parce que les environs connaissent une inquiétante déprise humaine. Malgré tout, divers bourgs jouent de leurs influences pour générer une activité, qu'elle soit touristique (village médiéval de Salers), de villégiature (Vic-sur-Cère), ou économique (marché de Murat).
Un fromage quasi inconnu des Français
Les deux enfants du pays - deux fromages - sont les deux fers de lance de la communication « terroir » locale et s'appellent cantal et salers. C'est sur le second, moins connu que le premier, que nous fixerons notre attention. Qui est venu dans le coin connaît les belles maisons du centre bourg, superbes restaurations du XVe siècle, en pierre volcanique. Mais combien d'entre vous ont le souvenir de ce fromage qu'une étude récente prétend être connu de seulement 3,3 % des Français ? Pourtant, il gagne à être connu, ce fromage au lait cru devenu appellation d'origine contrôlée en 1961 qui n'aura pas moins que doublé sa production depuis une dizaine d'années : on est, en effet, passé de 701 tonnes en 1990 à pas moins de 1497 en 2002. Si une grande majorité des burons (abris de bergers) a été abandonnée, les méthodes de fabrication de ce fromage à la typicité prononcée sont les mêmes depuis des siècles : il faut compter pas moins de 400 litres de lait, trois jours et un tour de main expert pour que naissent les belles rondeurs de ce petit trésor fromager. Le lait du jour est d'abord emprésuré, puis caillé dans une « gerle » de bois avant d'être découpé puis pressé. La maturation qui s'ensuit laisse éclore des arômes typiques. La phase suivante consiste à broyer la pâte, à la saler, à la mouler pour enfin de nouveau la presser pendant 48 heures. L'affinage qui suit ces étapes dure trois mois minimum, pendant lesquels les fourmes de 40 kg seront régulièrement retournées avec la plus grande délicatesse. À ce moment, le fromage « travaillera » son parfum, délivrant, au terme de cette période, une pâte jaune voire ivoire, et une croûte boutonnée dorée. Les puristes vous diront que les gentianes et autres arnicas broutés dans les prés par les vaches (salers, d'ailleurs) confèrent au lait, et donc au fromage, un goût unique, celui des pâturages de là-bas…
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°180 (du 09 au 15 avril 2004).
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