mercredi 7 mars 2012

Biscuit de Reims : Le mondain de la trempette !

CHAMPAGNE : LE PAYS RÉMOIS

Il accompagne la plus noble des boissons, s'exporte aux antipodes, et avec lui l'image d'une France luxueuse et sans fioritures. Lui, c'est le biscuit de Reims la star des biscuits à tremper, la Rolls des craquants à croustiller.

De belles collines sur lesquelles le soleil vient laisser mourir ses rayons, des alignements viticoles à perte de vue quelques bois et forêts clair semant le paysage pour le rendre moins monotone, et la passion des hommes qu transforme tout ce qu'ils toûchent en or… Cette description pourrait s'attacher à n'importe lequel des vignobles de France, d'une extrémité à l'autre de l'Hexagone.Pourtant elle ne sert aujourd'hui qu'un seul d'entre eux, sans doute l'un des plus renommés à l'étranger.
La raison de ces évocations sans trop de personnalité ? Notre produit du jour n'est qu'un bellâtre, une sorte de gigolo dans les grandes occasions, bien curieusement accoutré, puisque qu'il ne sort pour ses mondanités qu'affublé de… rose ! Mieux, il s'agit plutôt d'un urbain, sorte de personnage cosmopolite qui connaît plus sûrement le grandes capitales européennes et mondiales que les proches villages de ses contrées. Sa patrie : Reims, capitale royale, celle des grands sacres de l'Histoire de France.
Lui, c'est le biscuit de Reims, une grande et vénérable institution rémoise, une sucrerie âgée d'au moins quatre siècles, si l'on en croit les grimoires locaux. Un pâtissier de la ville aurait, en effet, créé ce biscuit rectangulaire aux couleurs rose et blanche au XVIe siècle. Depuis, anonyme, il aurait fréquenté les plus grandes personnalités, stars, artistes…, ayant même eu ses entrées aux plus belles cérémonies et banquets des grands de ce monde.
La Rolls des biscuits à tremper
Pourtant, il n'y a qu'à y planter ses dents à sec pour ne rien lui trouver d'original. Mais accordez-lui de se marier avec la plus pétillante des boissons vinifiées, vous serez alors étonnés par sa conduite, d'une galanterie et d'une sobriété exemplaire : jamais il n'aura laissé personne dans l'embarras en se répandant en miettes molles et flasques dans le fond des verres. Il est en quelque sorte la Rolls des biscuits à tremper : quelles que soient les circonstances, il possède une qualité inégalable. Plus qu'une appellation, le terme « biscuit de Reims » est même parfois devenu une référence, une méthode de fabrication d'une grande efficacité : car ils sont rares les biscuits à résister à l'épreuve de la trempette !
Si chez certains, on frôle la désagrégation en vol, l'atomisation irrémédiable, lui, composé d'œufs, de sucre, de farine et de vanille, reste stoïque. Mieux, pour les inconditionnels, il restitue même le breuvage sans prendre l'aspect d'une vulgaire éponge.
Non, décidément, le biscuit rémois appartient à une élite dont voici entre deux verres quelques secrets : les œufs qui possèdent l'auguste privilège de faire partie de sa composition sont frais et la température ainsi que la durée du mélange sont deux critères d'importance, sorte de secret d'État jalousement gardé par la maison Fossier, dernière en terre rémoise à perpétuer la fabrication de ces délices à nul autre pareil. Les puristes vous diront même que seule cette sucrerie devrait porter le nom de biscuit : « bis-cuit », deux fois cuit, puisque notre gâterie rose subit deux cuissons, une à 180°C, l'autre à 120°C, et ceci pour que le sucre glace tienne bien sur la partie supérieure du gâteau et que le support, le biscuit, reste croustillant… Tout un art !

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°177 (du 19 au 25 mars 2004).

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