CHAMPAGNE-ARDENNE : CHAOURÇOIS
Le chaource fait partie, comme le soumaintrain, de
cette famille de fromages produits entre Champagne sud et Bourgogne nord, que
les hasards administratifs ont rendu orphelins et qui sont devenus pupilles de
la Nation grâce à une AOC.
Le Chaourçois, c'est un peu le talon de la chaussette
champenoise. Un talon tout giron que ce joli pays partagerait avec son voisin
bucolique du pays d'Othe. D'ailleurs, ces deux coins d'Hexagone ont quelques
points communs : la même structure géographique et paysagère, les mêmes
traditions et la même propension à s'égayer d'innombrables ruisseaux, gage à la
fois d'irrigation suffisante et d'une verdure abondante. Les géographes ne s'y
sont pas trompés qui ont appelé ce bout de pays la « Champagne
humide »…
Mais là s'arrêtent les comparaisons dès lors
qu'apparaissent à l'horizon de gracieux moutonnements de collines, les
premières robes tachetées des vaches hollandaises pie-noire, brunes des Alpes
et autres tachetées de l'Est ! Il faut dire que cela surprend en ces
terres ni franchement à l'Est, ni néerlandaises et encore moins alpines…
Troublant ! Des vaches oui, mais pas n'importe lesquelles : des
laitières, aux mamelles rendues difformes d'avoir trop porté des kilos liquides
pendant des heures… Pour l'heure - et voici des générations que cela dure -
elles occupent benoîtement les prairies naturelles de ce Pays chaourçois à la
capitale homonyme.
Deux mots sur cette belle petite cité: un sur ses
jolies maisons d'antan sur piliers de bois, l'autre sur la superbe, pour ne pas
dire poignante, mise au tombeau polychrome du XVIe siècle sis depuis
cette époque dans la crypte dé l'église Saint-Jean-Baptiste.
Les aficionados de cet art religieux, gourmets à
leurs heures, apprécieront d'autant plus les nombreuses églises éparses dans la
nature auboise que leurs pérégrinations leur permettront aussi d'aller à la
rencontre des producteurs campagnards du trésor local, qui est au Chaourçois ce
que l'andouillette est à Troyes : le fromage AOC de chaource !
Reconnu Appellation par décret en 1970, le chaource
se présente comme un fromage à pâte molle légèrement salée, à la couleur
blanche, fine, lisse presque onctueuse, dans une croûte dite fleurie et duveteuse,
avec parfois une légère pigmentation rougeâtre. Pour parfaire cette rapide
physionomie de notre sujet, disons aussi qu'il se montre sous deux jours
différents : le petit chaource de 8 cm de diamètre, et la version
« grand gabarit » plus proche du 11 cm de diamètre. Nécessitant un
affinage variable de deux semaines minimum, le chaource connaît des variations
de goût d'une bouche légère dans sa prime jeunesse, presque noisetée, à des
saveurs plus prononcées au fur et à mesure qu'on le laissera dans un coin
avancé tout seul… Bien sûr, l'oublier c'est prendre le risque de le voir
avancer tout seul, mais cela est une affaire de goût !
À vrai dire, s'il a fallu par nécessité donner
aujourd'hui à cet article une assise géographique en Champagne, la zone de
production enjambe allégrement la frontière champeno-bourguignonne, côté
icaunais, rendant à la tradition, qui voudrait que ce fromage soit né de
l'activité de moines cisterciens de Pontigny, un semblant d'hommage. Au cœur de
cette zone, les mêmes contraintes : le respect des choix de races bovines
laitières, l'autonomie alimentaire sur la zone d'appellation et le respect de
la fabrication d'un fromage gras à caillé lactique et d'élevage dans la
continuité d'un savoir-faire pour que les consommateurs continuent d'apprécier
ce fromage idéal, à l'apéritif, coupé en petits dés…
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°203
(du 17 au 23 septembre 2004)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire