RHÔNE-ALPES : LES CÉVENNES VIVAROISES
Il a accompagné l'homme en son pays cévenol
pendant des siècles pour être petit à petit délaissé. Il connaît actuellement
un regain d'intérêt : c'est le châtaignier, et son fruit la châtaigne,
« l'arbre à pain » des Cévennes.
Découpées ! Disons plutôt déchiquetées !
Les Cévennes du côté rhônalpin prennent des allures tourmentées et contrastent
à bien des égards avec leurs voisines gardoises. Les altitudes sont ici
légèrement supérieures, et il n'est pas rare que les serres avoisinent les 1
000 voire 1 500 mètres de hauteur. Ravinées par des pluies torrentielles, elles
constituent, dans des vallées parfois très encaissées, de véritables
« valats » - de gros torrents en patois cévenol - charriant boue et
gravats jusque dans la vallée… Cette vallée, c'est bien sûr celle de l'Ardèche
qui, descendue du Velay, au nord-ouest d'Aubenas, forme un coude. C'est à
hauteur de ce coude que s'est construite l'ancienne capitale ardéchoise pour
border, en prenant la direction du Sud, ce pays cévenol vivarois. Des allures
de landes écossaises en hiver, des tons mordorés et bruns en automne, les
Cévennes prennent des allures de massif austère en dehors de la haute saison où
les tenues bariolées, voire fluorescentes, des cyclistes et autres randonneurs,
égayent cette campagne si particulière. Ici, l'homme semble absent, concentré
dans de jolis villages écrasés par le soleil l'été, à peine accessibles
l'hiver, ou très isolé dans de grosses fermes aux cours fermées, à l'abri des
vents parfois violents venant de l'Ouest. Il est cependant omniprésent, ayant
façonné parfois à main nue les « faïsses », ces terrasses nécessaires
pour casser la pente et mettre en culture mûriers et châtaigniers.
Aujourd'hui, tous se mobilisent pour sauver la châtaigne
Aujourd'hui, tous se mobilisent pour sauver la châtaigne
Car c'est bien là l'objet de tant de soins, une
espèce sans doute indigène que l'on croit voir apparaître au Moyen Âge lors
d'une première phase de culture. La châtaigne ne devient « maître des
terroirs », prépondérant, que vers le XVIe siècle. Elle le
reste jusqu'au XIXe siècle pour tomber en désuétude, les maladies
comme l'encre et l'endothia se conjuguant avec l'abandon des terres, l'exode
rural bat son plein.
La châtaigne, omniprésente dans la gamelle cévenole,
perd de la vitesse. Aujourd'hui, les initiatives redoublent dans le pays. Les
procédés restent les mêmes, à savoir le séchage dans un lieu que l'on appelle
« cleda », un petit bâtiment disposé dans la châtaigneraie ou
jouxtant l'habitation. Là, est entretenu un feu nuit et jour le temps de la
dessiccation, soit trois à quatre semaines. Une fois séchées, les châtaignes se
conservent mieux.
L'arbre et l'homme furent pendant des siècles
inséparables, le premier donnant au second tout ce dont il avait besoin,
feuilles pour nourrir les bêtes, bois pour réaliser meubles, charpentes,
planchers, conduites et fruits pour nourrir le paysan cévenol : un vrai
mariage de raison.
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°204
(du 24 au 30 septembre 2004).
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