RHÔNE-ALPES : LA COMBE DE SAVOIE
Si nombre d'entre nous ont passé l'âge des
chansons enfantines le temps passe aussi pour nos vergers, aujourd'hui envahis
de fruits élaborés à la productivité optimum.
Voie unique de communication en son genre, entre les
Préalpes et les hautes Alpes, la Combe de Savoie représente la partie nord du
sillon alpin. Une sorte de continuation du pays de Grésivaudan, vaste vallée dans laquelle l'homme a semé ses routes, voies de chemin de fer,
industries et autres développements résidentiels. Tout comme lui, la
Combe est un pays écrasé entre deux massifs, celui, au couchant, des Bauges, et
au levant, de la Maurienne. Mais ce couloir minéral vers les hauts sommets
alpins possède un avantage sur le Grésivaudan : celui d'avoir su, pour une
grande part, conserver sa touche naturelle grâce à la persistance d'activités
agricoles qui contribuent à la préservation du paysage. Ce n'est pas là la
seule région maraîchère des environs, le pays genevois voisin possédant aussi
une forte densité de ces serres, sorte de tunnels chauffés qui fréquentent
souvent les abords des villes, comme Chambéry ou Albertville.
C'est dans cet environnement agricole qu'est née
l'une des plus étonnantes des Indications Géographiques Protégées (lGP),
puisqu'elle concerne non pas un, mais des produits naturels, non pas un, mais
des fruits : l'IGP « Pommes et fruits de Savoie » (lire
ci-dessous). Il s'agit, en effet, d'un cas pour l'heure unique en Europe,
puisqu'il concerne non seulement des variétés très diverses, tour à tour
traditionnelles ou issues de croisements, mais il couronne aussi un important
travail de qualité poussé par des producteurs aujourd'hui fiers de ce label.
Née d'un croisement avec un coing
Il existe en Savoie une tradition fruitière, le
pommier, comme le poirier, faisant partie du paysage des jardins privés. Mais
les seules variétés locales ne pouvaient raisonnablement permettre aux
producteurs de s'adapter aux contraintes du marché. D'autres variétés ont donc été
mises en culture de façon intensive sur le sol de la Combe de Savoie dont les
zones de piémont se sont fait la spécialité… Poire « passe-crassane »
et pomme « Canada » ont assisté au débarquement des
« fuji » et autres espèces élaborées…
Deux mots sur cette première, puisqu'il nous est
impossible de faire le tour de toutes ces espèces et variétés : elle est
née d'un croisement avec un coing en 1845 grâce à un certain M. Boisbunel,
pépiniériste à Rouen. C'est la poire d'hiver par excellence, car elle se conserve
facilement. Elle est, par ailleurs, grosse et ronde, à la pelure épaisse sous
laquelle se cache une chair très juteuse et acidulée qui révèle quelques grains
sous la langue. Sur nos étals, elle porte souvent un bouchon de cire rouge sur
son pédoncule. Celui-ci sert à ralentir l'évaporation de son eau et donc son
mûrissage. Finalement, cette passe-crassane résume bien ses consœurs, tout à la
fois fragiles et délicieuses, créées de toutes pièces, mais reconnues et
appréciées. Elle reflète aussi un marché obnubilé par des produits standardisés
et productifs, aux dépens de variétés sans doute encore plus fameuses, mais
méconnues…
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°252
(du 26 août au 1er septembre 2005).
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