Elle a toute notre sympathie depuis notre tendre enfance, quand nous trempions le doigt dans la compote ou soufflions sur le sucre ajouté sur ses tartes. Elle, c'est la rhubarbe, un légume qui s'est fait fruit.
C’est un peu « l'éponge » de la région, une sorte de terrain où les ruisseaux et les menues rivières pullulent pour alimenter l'Epte qui descend vers le sud, en direction de Gisors… Ce coin, c'est le Grand Bray, campagne verdoyante qui s'étire autour de Forges-les-Eaux et Gournay-en-Bray. Dans ce paysage collinaire, les nombreuses forêts (Lyons, Coteaux, Routhieux, l'Épinay…) occupent plutôt le dessus du relief, alors que les pentes et les fonds de vallonnement accueillent les pâturages et les cultures.
C'est ici que la rhubarbe trouve une terre de prédilection. Certes, elle peut être partout dans l'Hexagone, mais, visiblement, elle s'accommode très bien du climat normand, doux et humide, et de ses sols, très arrosés et parfois acides.
D'aspect très décoratif, sous forme d'arbuste avec ses longues tiges rouges, la rhubarbe (rheum rhaponticum) aurait pour nom une origine latine « rhu », qui signifierait « tige », à laquelle serait venue s'ajouter, au cours des âges, la notion de barbarie pour désigner, dans une époque un peu vague où les notions de géographie étaient encore improbables, des contrées lointaines d'où la plante serait originaire. À savoir des régions septentrionales et moyennes de l'Asie comme la Chine, l'Afghanistan, le Tibet ou encore la Mongolie… Connue pour ses qualités contre les paresses intestinales et les fatigues passagères, la rhubarbe ne franchit la Manche qu'au XVIIIe siècle, époque où nos voisins l'accommodent déjà dans leur cuisine. De là, elle passe aux Pays-Bas, puis en Allemagne et en Belgique où les grimoires de cuisine et la tradition culinaire conservent quelques traces de ses influences. Voilà pour en finir avec la géographie.
Ne vous fiez pas aux apparences
Ne vous fiez pas aux apparences
Côté plante, il faut déjà faire tomber une image tenace : la rhubarbe n'est pas un fruit, mais bien un légume, de la famille des polygonacées, qui se présente comme une haute herbe pourvue de grandes tiges rouges. Cette partie reste la seule à être comestible, les feuilles étant toxiques. Elles contiennent, en effet, de l'acide oxalique (oxalates) dont l'ingestion peut provoquer des spasmes musculaires, des problèmes de reins, voire même le coma. Au printemps, le haut de la tige, qui peut donner une jolie fleur blanche, avoisine le mètre de hauteur pour une récolte optimum en fin d'été et au début de l'automne.
Pour ce qui est de la cuisiner, la rhubarbe reste très acide et il convient de la sucrer, même pour des préparations salées. Les variétés recommandées pour nos tables sont Canada Red, MacDonald et Valentine, dont les tiges sont connues pour leur coloration rougeâtre, la Victoria possédant des tiges plus vertes. Et puis, la rhubarbe a pour elle un grand avantage : elle est très peu calorique (15 kcal/100 g), ce qui n'est pas sans poser un souci aux amateurs de sucre qui pourraient avoir la main lourde en tentant d'effacer cette acidité !
On dit aussi la rhubarbe très laxative en raison de nombreuses fibres, mais aussi riche en minéraux, notamment en potassium et en phosphore. Elle apporte également une quantité intéressante de magnésium et de calcium et on pourrait sans peine la trouver dans nos pharmacies de maison pour ses vertus anti-inflammatoires des muqueuses buccales.
Article paru dans le supplément culturel hebdomadaire du journal quotidien Le Bien public intitulé
Quartier libre n°262 (du 04 au 10 novembre 2005), J Frizot.
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