mercredi 2 novembre 2011

L’agaric : au bon vouloir du roi !

ILE-DE-FRANCE : PARIS

Cuisiné à toutes les sauces, présent toute l'année dans nos cabas, il est le champignon préféré des Français, sans doute aussi le plus simple à faire pousser. Il, c'est le champignon de Paris.

Pas facile de poser le pied sur un bout d'Hexagone aussi riche et dense que Paris. Terre bénie depuis l'Antiquité et lieu de villégiature privilégié des rois en leur royaume, la ville Lumière n'en finit plus de resplendir. On la croyait noyée sous l'incompressible développement urbain, elle est en perpétuelle renaissance, se renouvelant sans cesse, à la fois changeante et éternelle. Pourtant, la ville emporta avec elle, dans un développement mortifère, un de ses hôtes les plus généreux, repoussant celui-ci aux confins de ses téguments urbanistiques. De qui s'agit-il ? Du fameux, irrésistible et irrévérencieux champignon de Paris, autrement appelé agaricus bisporus, ou agaric. Irrévérencieux, pour n'avoir jamais été reconnaissant auprès de sa mère patrie parisienne de lui avoir donné ses lettres de noblesse suite à son développement par La Quintinie, prestigieux jardinier royal de Louis XIV. Pire, l'agaric s'avère même fugueur : le bougre s'en est allé loin de Paris, aux quatre coins du monde, non sans conserver son nom. Aujourd'hui, ce champignon de Paris, de son nom générique, est aussi universel que le chou de Bruxelles... 
L'agaric trouve refuge dans les carrières
Au XVIIe siècle, sous la houlette d'éminents botanistes, le champignon, alors cultivé sur couche (en plein air), gagne les profondeurs du sol. Destination : les nombreuses carrières creusées dans les sous-sols parisiens pour en extraire les pierres à bâtir d'une capitale en pleine expansion. Objectif : accroître substantiellement la période de production. Mission remplie puisqu'elle devient annuelle et non plus saisonnière ! L'agaric connaît alors une véritable « success story » à l'américaine : sa présence aux portes de la ville et l'interdiction faite par arrêté préfectoral d'aller cueillir d'autres champignons dans les forêts alentours pour des raisons sanitaires sonnent l'apogée du sympathique carpophore (1).
Un champignon tout sauf Parisien
Oui, mais c'était compté sans la pression immobilière parisienne : les carrières durent être rebouchées les unes après les autres pour que leurs terrains soient construits. Les champignons de Paris quittèrent lentement les zones intra-muros (comme le XIVe arrondissement) pour les périphéries. Aujourd'hui, l'agaric français est tout sauf, parisien, produit sur une zone : qui couvre les principaux départements de l'arc Atlantique français, du Nord aux Pyrénées. D'ailleurs, des précisions sur son mode cultural s'imposent pour en finir avec quelques idées reçues. D'abord, le lit sur lequel il se développe : il s'agit d'un compost composé de paille de blé et de fumure de cheval, compost que l'on ensemence savamment des spores et mycélium du champignon. Le tout est recouvert de calcaire et de tourbe (on parle alors de « terre de gobetage ») pour permettre une meilleure fructification. L'ambiance, ensuite : l'environnement dans lequel sont entreposés les bacs est soumis à une température constante (entre 12 et 16°C) et à une atmosphère saturée d'humidité (hygrométrie entre 85 et 95 %). Enfin, le champignon fructifiant de façon cyclique, sa récolte dure toute l'année, par campagnes de trois à quatre semaines. Son équilibre diététique (riche en minéraux, vitamines du groupe B et en phosphore, pauvre en glucides et lipides) fait de lui un allié des périodes hivernales.

(1) Nom donné à la partie extérieure, visible, du champignon. La partie enterrée est appelée le mycélium.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°159 (du 14 au 21 novembre 2003).

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