PICARDIE : LE SOISSONNAIS
Il était mal aimé, abandonné, délaissé… Certains avaient même annoncé sa mort proche. Il est aujourd'hui l'un des symboles d'une région qui lui a même dédié une sucrerie à son image. Voici le haricot de Soissons.
Tout cela ne respire pas le romantisme ravageur. Le plateau soissonnais prendrait même des allures de pampa argentine au regard de ses immensités dénudées à perte de vue. Pire, les fermes isolées fortifiées, hiératiques, ne transpirent pas la fraternité et l'ouverture. Pour trouver un peu de chaleur, il faut descendre dans les vallons entaillant ce plateau où nichent des villages souriants, avec leurs maisons à redans. Les ravages de la Grande Guerre ont quelque peu entamé le patrimoine local et contribué un peu plus à déshériter les lieux, hélas. Mais le Soissonnais n'est pas pour autant pauvre d'humanité. Le haricot de Soissons est à ce titre un sympathique représentant de la région, véhiculant avec lui légendes fondatrices, histoire vraie et anecdotes cocasses.
Longtemps délaissé, il revient de loin, vivant aujourd'hui une deuxième jeunesse. Mieux, certains se démènent pour décrocher l'Indication géographique protégée (lGP) et l'AOC européenne. Car, à la différence des haricots tarbais, dont la dénomination est garantie au plan communautaire comme IGP, ou du coco de Paimpol classé en AOC, le haricot de Soissons ne jouit d'aucune protection.
Des restaurateurs qui jouent le jeu
Mais de quoi parle-t-on ? D'un légume grain, le gros blanc dit « à rame » parce que la gousse est fibreuse et impropre à la consommation et d'un poids guère impressionnant (un litre pèse à peine 720 g). Près de 900 tonnes produites encore au XIXe siècle, quelques quintaux il y a quelques décennies, et voilà le gros haricot sur le déclin. Pourtant, il bénéficie ici de conditions idéales : cultivé sous des cieux plus arides, il souffrirait du soleil, la peau du grain aurait tendance à s'épaissir, le grain deviendrait aussi plus petit, plus mat, et la divine graine perdrait de son attrait gastronomique.
Mais, bon an mal an, la notoriété du produit est restée attachée à la ville du Soissonnais, jusqu'à voir apparaître dans les grandes surfaces des « haricots type Soissons » venant de Pologne, de Grèce et d'ailleurs. Les agriculteurs réagirent alors en consacrant quelques ares de leurs terres au produit, qu'il fallut aller chercher dans les jardins privatifs et réapprendre à planter, car le haricot de Soissons n'est pas banal.
Il est dit grimpant et nécessite des filets pour sa culture, la première depuis longtemps, que la canicule de 2003 a quelque peu compromise. Mieux ! Les restaurateurs mirent le produit en avant en proposant sur leur carte quelques plats agrémentant la blanche fève. Cette année, la production, dont la récolte a débuté fin septembre, devrait avoisiner les 10 ou 15 tonnes. Si tout se passe bien…
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°180 (du 26 au 02 décembre 2004).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire