mercredi 23 novembre 2011

Le porc Noir de Bigorre, survivant de l'Arche

MIDI-PYRÉNÉES : LA BIGORRE

Les soucis de communication rendent la production de ce jambon encore fragile et confidentielle en terre bigourdane. Pourtant, le Noir de Bigorre est une des rares productions françaises virtuellement intégrée à l'Arche du goût de l'association mondiale Slow Food.

© Slow Food France.
Jamais personne n'aura fait autant pour la région bigourdane que Bernadette! C'est ce que pourraient penser les visiteurs en passant dans cette belle région de la Bigorre en route pour Lourdes, tant l'aura touristique de ce coin béni de Dieu profite directement de la manne inextinguible qu'est la cité de Bernadette Soubirou.
Il faut dire que la géographie se prête bien à cet effet, puisque la région décrit un vaste couloir, un ensemble alluvial sur la région de Tarbes : imaginez une plaine, celle de l'Adour, idéale voie de pénétration pour rejoindre la cité des miracles. Alentours, de part et d'autre, des plateaux qui s'irriguent de nombreux ruisseaux sur l'Est, du côté du Lannemezan, et, du côté ouest, qui se déclinent en coteaux…
La plus ancienne race porcine de l’Hexagone
Si, depuis des siècles, le pays de Bigorre s'articule autour de ses vieilles frontières historiques (celles du comté carolingien du IXe siècle), le miracle, ici, prend des allures débonnaires de quadrupèdes alanguis.
Bienvenue dans le pays du Noir de Bigorre, ravissante race porcine, la plus ancienne connue sur le territoire national, s'il vous plaît ! Vraisemblablement d'origine ibérique, l'animal serait natif des confins des Comminges, de l'Astarac et de la Bigorre, d'un pays appelé Nébousan. Voilà pour les racines. Pour ce qui concerne la bête, le Noir est depuis des décennies - voire des siècles - considéré comme un animal courtois, calme et doux.
Mais voilà, ces atouts ne sont pas suffisants pour séduire - les producteurs qui se désintéressent progressivement du beau porc à soies noires et aux oreilles horizontales dans les décennies d'après-guerre. De 28.000 spécimens dans les années trente, on passe à quelques centaines dans les années 1970.
La faute de l'animal : ne pas être assez productif (43 % de muscle contre 56 % pour les spécimens modernes) et une croissance longue malgré les réelles qualités gustatives de la bête.
La profession organise une filière en 1992 dont le but tourne autour de la production et de la valorisation d'une charcuterie sèche issue de l'animal.
Au service de cette entreprise, la recherche de la qualité, largement portée par l'exceptionnelle originalité de cette viande de porc.
25 bêtes à l’hectare
Plus de dix ans plus tard, les producteurs sont une petite cinquantaine, fédérée au sein d'une association interprofessionnelle appelé le Consortium du Noir de Bigorre regroupant aussi bien éleveurs que charcutiers et salaisonniers.
La production, soutenue par une CCP (Certification de conformité produit) suit un cahier des charges très strict sur l'élevage (pas plus de 25 bêtes à l'hectare) et sa transformation.
Si pas moins de 4.000 animaux sont transformés de nos jours, seul le doublement de cette production pourrait permettre d'émanciper cette filière de la tutelle des aides de l'État.
Produit « sentinelle » en France de la démarche de l'association Slow Food, le Noir de Bigorre reste encore méconnu, malgré une image de haut qualité.
Véritable produit gastronomique, cette cochonnaille souffre aujourd'hui de l'insuffisance de débouchés commerciaux capables d'assure en amont la pérennité des activités bigourdanes.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°236 (du 06 au 12 novembre 2005).

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