mercredi 29 février 2012

Le crottin de Chavignol : des chèvres alpines en Berry

CENTRE : LE PAYS FORT

Aux confins du Berry, sur les bords de Loire, « pousse » le plus sympathique des fromages : le crottin de Chavignol, que la nature a pourvu de suffisamment de typicité pour s'accommoder des meilleurs vins de la région, dont le Sancerre.

Coincé entre la Sologne et la plaine ligérienne, attenant à la Bourgogne, le pays Fort ne fait pas figure de favori dans la course à la communication touristique tant le pays semble enclavé, méconnu… Grossière erreur ! Car le coin mérite à plus d'un titre d'être découvert de long en large pour se repaître de ses multiples secrets (comme, par exemple, la présence des Stuart, éminente famille royale écossaise au château de la Verrerie…), son architecture typique (maisons. en torchis de bois ou en briques…), ou encore de ses produits du terroir… Ce plateau, couvert pour partie par de sombres forêts, l'est aussi, entre autres, des vignes du Sancerrois aux breuvages secs réputés, mais aussi et surtout de prairies encloses de haies et autres bouchetures au milieu desquelles paissent bovins et ovins. Mais pas n'importe quels ovins: des chèvres de la race alpine… Ces chèvres sont ici dans leur royaume, un royaume dont la capitale n'est autre que Chavignol, modeste village qui porte sur ses frêles épaules le poids d'une tradition fromagère que certains prétendent née de la proximité de moines. Plus sûrement, les chroniques - celles d'un certain Jean de Lery pour être plus précis évoquent dès l'an 1573 la présence de chèvres, mais sans pour autant parler de fromage (s'il n'y a pas de fumée sans feu, la présence de ces vénérables quadrupèdes n'est pas contemporaine à la naissance d'un fromage…).
Le petit fromage monte à la capitale
De façon plus évidente, la traite des chèvres aurait donné naissance à un fromage de consommation journalière, produit par des paysans aux conditions de vie précaires. De leurs efforts, un certain type de fromage serait né, alliant typicité et caractère : le futur crottin. La notoriété croissante des encombrants voisins viticoles sancerrois va porter notre petit fromage à la connaissance d’un large public. Le crottin « surfe sur la vague du succès », dirions-nous aujourd'hui. En attendant, le petit fromage franchit la Loire, s'enhardissant sur les routes de France, jusqu'à monter à la capitale, où son goût connaît un succès grandissant accompagné de vin de Sancerre. Le mariage est consommé, et les deux prennent la pause sur les affichages promotionnels du Berry.
Un sujet de qualité en royaume Fort
Aujourd'hui, le petit fromage s'est embourgeoisé : une zone de production a été définie, et un syndicat de producteurs a vu le jour, s'employant à satisfaire la clientèle et à assurer celle-ci de la qualité en effectuant des contrôles organoleptiques et microbiologiques sur les fromages issues de petites unités de production. Au milieu de ce tumulte, la chèvre alpine, déclarée star incontestée du royaume agricole du pays Fort. Son lait est rapidement empresuré juste après la traite), pour un caillage compris entre 24 et 48 heures.
Viennent ensuite le pré-égouttage sur toile, le moulage en faisselle, et le salage. Ne reste plus qu'à affiner la pâte une bonne dizaine de jours. À ce moment-là, les consommateurs se déterminent selon les préférences, entre ceux qui l'aiment frais et laiteux, ceux qui le goûtent à point, juste ferme et recouvert d'une fine couche de pénicillium, et les extrémistes, qui voudront consommer un fromage presque sec comme le bois, avec des couleurs tournant au marron et à attaquer à la hache ! Quels que soient vos choix, n'hésitez pas à le présenter avec une bouteille de menetou-salon, de pouilly-fumé, ou encore, comme évoqué plus haut, du fameux vin de Sancerre, autant de nuances de vins, qui révéleront toutes les fragrances de ce petit fromage de pays.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°176 (du 12 au 18 mars 2004).

Le vrai camembert normand AOP se rebiffe

Une poignée de producteurs de camembert a décidé fin novembre 2011 d’affronter les industriels qui produisent 95 % du fromage consommé. Ils ont décidé de porter plainte pour « usurpation de notoriété »…

Un fromage bientôt au coeur de la tourmente. © DR.
Il s’agit, pour ces irréductibles, tout simplement de porter plainte contre tous les industriels car ils estiment, à l’instar de 
Patrick Mercier, président des organismes de gestion des AOP (Appellation d'Origine Protégée) de Basse-Normandie, que les industriels créent sciemment la confusion dans l'esprit des consommateurs lorsqu'ils portent sur leur produit la mention « fabriqué en Normandie ». « Nous n'avons rien contre les industriels mais leur pratique menace notre existence et il y a tromperie pour le consommateur », explique-t-il.
Les faits ? Les industriels « importent du lait dans la région pour produire les camembert sur sol normand et ainsi pouvoir ajouter cette mention régionale sur les paquets.
Or, les neufs producteurs de fromages – accompagnés de quelque 500 producteurs de lait – regroupés au sein de l'Appellation d'Origine Protégée (AOP) « camembert de Normandie » répondent à un cahier des charges précis qui impose une fabrication :
- issue de vaches normandes ;
- à base de lait cru ;
- un produit moulé à la louche ;
- réalisée dans des zones géographiques répertoriées.

Pour Patrick Mercier, la filière artisanale est en péril. Pour 4 300 tonnes de camemberts fabriqués chaque année sous l'AOP (mention camembert de Normandie) la production atteint 90 000 tonnes pour les produits industriels portant la mention « fabriqué en Normandie ». Pour le professionnel, « toute connotation créant la confusion chez le consommateur est illégale ».

La plainte devrait être déposée ces prochaines semaines…

Article et reportage sur France 3 Basse-Normandie.

vendredi 24 février 2012

« L’effet bœuf » : le livre d’un homme en colère

Yves-Marie Le Bourdonnec, l’artisan boucher dont le hamburger a été élu le meilleur au monde en 2008 par le New-York Times, est en colère. Militant depuis longtemps d’une production de viande de qualité, il publie, quelques jours avant le Salon de l’Agriculture édition 2012, « L’effet bœuf », un vrai coup de gueule !

L’objet de ce pavé jeté dans la marre ? Le constat que la plus grande partie de la filière « viande », prise dans la spirale productiviste, ne respecte plus les normes de développement du bétail et ne propose plus de qualité ; que nos éleveurs, étranglés par des pratiques concurrentielles, sont acculés à produire de la mauvaise viande.
A travers de nombreux exemples, ce livre s ‘attache à dénoncer les pratiques contestables, comme aux Etats-Unis et au Brésil, mais aussi à montrer qu’aux quatre coins du globe, certains se mobilisent pour la bonne cause : l’excellence.
Une cause mobilisatrice
Les détracteurs de Yves-Marie Le Bourdonnec persifleront contre le manque de rigueur de l’ouvrage qui se perd parfois en banalités, voire en répétitions. Ses défenseurs répondront qu’à défaut, ce livre a au moins le mérite de mettre les pieds dans la bouse et de poser certaines questions. Ils ajouteront à raison que l’on ne pourra pas reprocher à son auteur de ne pas avoir tenter de mobiliser ses homologues et les consommateurs, les premiers concernés. Que chacun doit comprendre l’impérieuse nécessité des enjeux et de se battre pour qu’on leur serve de la bidoche de qualité…

Carte d’identité :
Parution : 23 février 2012
Pages : 220
Format : poche (14 x 22,5 cm)
ISBN : 978-2-7499-1581
Prix lancement (février 2012) : 12,95 €

jeudi 23 février 2012

N'est pas « bugne » qui veut !

RHÔNE-ALPES : LE LYONNAIS


Pâtissiers et boulangers n'auront pas attendu les fêtes de la chandeleur et de Mardi gras pour alimenter leurs devantures en bugnes, ces beignets d'origine lyonnaise qui marquent à leur façon le début du Carême.

Lyon, capitale de toutes les Gaules, ville, que dis-je, capitale de confluence aura, depuis vingt ans, largement travaillé sur son image et sa renommée en travaux somptuaires que la reconnaissance au titre de Patrimoine mondial par l'Unesco a saluée en 1998… Lyon, à la fois offerte (bouchons lyonnais) et secrète (traboules) aura su jouer sur l'innovation (métros et trolley-bus) sans perdre ses traditions.
L'une des plus fameuses se conjugue avec carnaval, et plus précisément avec Mardi gras : la bugne (*), le plus vieux beignet connu, traditionnellement servi au mois de février et dont l'origine remonte au moins au XVe siècle.
Dans ces temps reculés, les impératifs de l'orthodoxie catholique obligeaient les populations à ne manger ni gras ni œufs pendant le carême. Les gens utilisaient alors leurs œufs et la farine pour ne pas les laisser perdre, le plus souvent en les faisant frire. Ceci n'est qu'une variante d'une histoire qui en compte deux, puisque d'aucuns soutiennent que les bugnes permettaient de supporter le carême : en clair, si la production dure de fin janvier à début mars, c'est pour suivre le jeûne imposé auquel les bugnes sont conviées.
Une découpe à la roulette
En attendant, quelques soient les raisons, les bugnes (on dit aussi « bignes ») étaient nées et se développèrent sur une vaste zone géographique, d'Arles à Dijon. Au fil des siècles, la recette s'enrichit de lait et de beurre, alors que les sources commencent à faire état de la profession de « bugnetier » au XVe siècle, sans doute dans les rues de la capitale rhodanienne. Voilà pour les évolutions historiques.
Cette tradition lyonnaise s'est aussi entouré de prescriptions : la bugne, découpée à l'éperon ou encore à la roulette, a une forme de rectangle, de nœud ou de losange. Comptez une taille d'environ 10 à 15 cm de long pour trois à quatre de large, et toujours fine et légère (20 g maximum !) ; les bugnes se mangent chaudes et non froides, après avoir pris soin de les saupoudrer de sucre glace…
Parmi les traditions encore vivaces, citons la place faite au mot dans le vocabulaire et les expressions orales : on dira de quelqu’un que c'est une bugne pour exprimer qu'il est un peu simple ; le mot est aussi employé en cas de chute (se payer une bugne) ou de coup (prendre une bugne, ou une beigne) ; on dit aussi de quelqu'un de décédé qu'il est monté au ciel comme une bugne, avec légèreté…


Craquantes ou levées
Pour être complet, précisons qu'il existe deux sortes bugnes : les craquantes réalisées sans levure (0,5 à 1 cm d'épaisseur) qui se vendent le plus souvent en charcuterie, et les levées, confectionnées avec de la levure (1 à 3 cm d'épaisseur) que l’on trouve traditionnellement en boulangeries et pâtisserie et qui, avec la cuisson, prennent des formes curieuses. Si les craquantes sont moins sucrées que les levées, elles peuvent indifféremment être parfumées au zest de citron, au rhum, à la fleur d'oranger ou encore au cognac, l'huile pouvant, par ailleurs, remplacer le beurre…

(*) Ne cherchez pas dans le dictionnaire, c'est un mot typiquement lyonnais.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°175 (du 05 au 11 mars 2004).


mercredi 15 février 2012

La morille, insaisissable bugiste

RHÔNE-ALPES : LE BUGEY

Ronde, élevée, commune, la morille est plurielle… pour ceux qui ont la chance d'en trouver, car, à l'inverse de certains refrains populaires, elles sont loin de se ramasser à la pelle…

Si le département était un trèfle, le coin en serait le subtil quatrième pétale, aux côtés de la Dombes, de la Bresse et du pays de Gex. Lui, c'est le Bugey, joli terroir coincé entre les boucles de l'Ain et du Rhône, aux reliefs aussi escarpés que ceux de la Dombes peuvent être plats et rectilignes… Ce pays limitrophe de la Haute-Savoie, du pays genevois et de l'Ile Crémieu iséroise est tout autant une authentique destination de ski (de fond mais aussi alpin…), de vin (notamment pour le Cerdon effervescent, les vins de Seyssel et autres marcs locaux…), ainsi qu’un concentré de curiosités géologiques avec ses nombreuses cluses, lacs, pains de sucre, grottes, falaises rocailleuses, cascades et autres combes humides. Un environnement escarpé, particulièrement propice au plus secret et insaisissable des champignons de nos contrées : la morille.
L'un des secrets les plus jalousement gardés d'ailleurs. Faites-en vous-même l'expérience, la seule prononciation du nom de ce champignon de la classe des ascomycètes - une sorte d'élite de ces espèces de « plantes » parasites ou saprophytes (*) - provoque immanquablement chez les aficionados de sa cueillette, une notable tension de l'oreille vers d'éventuelles bribes d'informations qui s'échapperaient d'une conversation peu précautionneuse. C'est qu'il est peu commode le bougre, se faisant aussi rare qu'imprévisible, mettant à l'épreuve tout nouveau candidat à la cueillette.
A bon ramasseurs...
Aussi, voici quelques conseils si vous souhaiteriez rejoindre le mouvement.
Soyez déjà vigilant sur la saisonnalité de la morille : tous vous diront, amateurs ou cueilleurs hors pair, que la saison a beau durer de mars à mai, il n'y a qu'une vraie quinzaine propice à sa trouvaille : de la mi-avril à la mi-mai. Mais aussi sur la localisation géographique : ce n'est pas parce que vous avez vos « taches », nom donné aux zones de cueillette, qu'elles vous seront fidèles à tout jamais. Ensuite, lorsque vous serez parvenu à bout de ces premières épreuves, il vous faudra faire le tri entre toutes les campagnes de désinformation sur le sujet, notamment celles - prolifiques - des lieux de trouvaille : on a souvent dit que la morille aimait le sapin, d'où une forte présence en Jura, mais sans doute pas autant que le frêne, qui est un peu à la morille ce que le chêne est à la truffe. Citons aussi les lilas, les bords de rivières et d'étangs, les coupes de bois, les sites d'incendie, ou encore les friches, pour ne prêter attention qu'à quelques-uns des endroits où se tapissent les « morchella », de leur nom savant.
Et si le Bugey a été évoqué pour planter le décor de la « star terroir » de la semaine, c'est parce que les lieux, mêlant éboulis et terrains rocheux à l'extrémité de l'arc jurassien, se prêtent particulièrement à la pousse de cette belle de printemps.

(*) Se dit de plantes qui se nourrissent de végétaux en décomposition


Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°174 (du 27 février au 04 mars 2004).


mardi 14 février 2012

Etiquetage et emballages : 3 - Conformité des emballages, la France agace Bruxelles

En ce début d’année, la législation française sur les emballages ne serait toujours pas en conformité avec le droit européen. Bruxelles vient d’adresser une demande de mise en conformité à Paris.

Ras le bol des emballages qui remplissent vos poubelles au retour de vos courses ? Cela ne devrait pas tarder à changer… si le gouvernement français fait le nécessaire pour cela. Celui-ci n’aurait, selon la Commission européenne, toujours pas fait le nécessaire pour contraindre les industriels pour faire évoluer les choses vers plus de modération et de recylcage.
La France se serait vu adresser un avis particulièrement motivé par la Commission européenne lui demandant de mettre notre législation en conformité avec la directive relative aux emballages et aux déchets d'emballages (94/62/CE).
Cette directive stipule que les États membres doivent veiller à éviter « la formation de déchets d'emballages, limiter au minimum le poids et le volume des emballages mis sur le marché et développer des systèmes de réutilisation des emballages permettant de réduire leur impact sur l'environnement ».
La France dispose d’un délai de deux mois pour réagir au-delà duquel la Commission pourra saisir la Cour de justice de l'Union européenne… A suivre.

mercredi 8 février 2012

La baguette, « french touch » boulangère

ILE-DE-FRANCE : PARIS

C'est elle qui, parmi des milliers d'autres, symbolise le mieux à l'étranger nos produits de bouche, nos traditions, nos goûts culinaires… Elle s'est improvisée ambassadrice de notre savoir-faire et reste plébiscitée par toutes les générations de Français comme le pain par excellence : la baguette, une histoire de cœur.

Notre imaginaire est empli de clichés. Celui du titi parisien avec son béret vissé sur la tête et sa baguette de pain sous le bras est le plus célèbre. À cela rien de très original, mais c'est pourtant, à bien y regarder, l'image de la France qui est la plus véhiculée, celle qui semble nous caractériser aux yeux d'une grande partie de l'humanité ; une image qui se complète parfois de la présence, en toile de fond, de la tour Eiffel. Autant d'éléments qui ont toute leur cohérence, au moins en ce qui concerne la baguette de pain et la tour : la création et le développement de la baguette de pain restent bien attachés à la capitale parisienne, sa terre d'origine.
On ne présente plus Paris, sans doute l'une des plus belles capitales du monde au patrimoine époustouflant, des quais de Seine à la Butte Montmartre… Il n'en va pas de même pour la baguette de pain. Paris est unique, et les Américains, toujours intéressés par la possibilité de s'accaparer ce qui fonctionne chez les autres peuples, ont bien tenté de reproduire un petit bout de la ville à Las Vegas avec sa reproduction de Tour Eiffel, mais les puristes ne s'y trompent pas. En revanche, la baguette de pain à la française semble largement reproduite dans le monde entier, mais pas toujours égalée. Elle illustre, sans doute plus que quelques rues reproduites à taille humaine, le bonheur de vivre à l'Hexagonale, la « french touch »… Tour à tour courte et dense, longue et légère, plus ou moins prompte à se dessécher, elle possède des dizaines de longueurs, poids, couleurs différentes, que vous tentiez de la débusquer à New York, Sydney ou Montréal…
Rien que de la farine, de l'eau, du sel et de la levure
Pour autant, il n'y a jamais eu de réels cahiers des charges, de véritables volontés de figer une fois pour toute la baguette dans des moules trop rigides, dans une production, certes de qualité, mais standardisée. En 1993, la démarche du Club des boulangers, installé à Paris, aboutit sur un décret instituant une Baguette Bagatelle© label rouge, soit la naissance officielle d'un pain de tradition française de qualité supérieure. Ce décret précise encore aujourd'hui, pour ceux qui le revendiquent, la fabrication d'une baguette selon des critères fixes garants d'un savoir-faire et du respect du produit. Il crée donc une baguette exclusivement pétrie (pas plus de 10 minutes) et cuite avec une farine type également label rouge, et ceci par un boulanger qui respecte une méthode de panification artisanale rigoureuse. Rien que de la farine, de l'eau, du sel et de la levure, seule ou avec du levain (l'utilisation de levain liquide est tolérée à certaines conditions) : tels sont les ingrédients de base de la pâte qui va reposer longtemps en masse afin de laisser le temps aux arômes de se développer. Après ce repos, la baguette est cuite au four à sole. Hors du four, la baguette ne peut être commercialisée que sous étui papier protecteur, estampillé label rouge. Conservée chez soi dans un linge pour en préserver les arômes, la Baguette Bagatelle© label rouge est censée présenter une physionomie de 60 cm de longueur pour 5 à 6 cm de large. Quant à son poids, il ne devra pas excéder les 250 g, avec une tolérance de 5 % inférieur. Soupesée, corsetée avec soin… tout est fait pour que la Parisienne soit la plus belle. Et il est vrai que nul autre pain en France, malgré la richesse et l'inventivité des boulangers, ne lui soufflera sa première place.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°225 (du 18 au 24 février 2005).

jeudi 2 février 2012

Que boire avec... des crêpes ?

La question se pose à tous les moments festifs du calendrier. En période de Chandeleur, vous allez sans doute vous la poser pour l’accompagnement des crêpes. Quelques pistes pour y voir plus clair.

En repas ou en goûter, salées ou sucrées, l’accompagnement de la crêpe se décline à l’infini et n’a de limite que l’imagination de chacun. Aussi, pour simplifier, va-t-on envisager le sujet sous deux aspects : celui des crêpes salées et celui des sucrées.

Crêpes salées de type galette (sarrasin)
Quels que soient les accompagnements, le choix du breuvage suivra à peu de choses près les mêmes règles que celles d’une conjugaison mets/vins : du rouge pour les « viandes » et charcutaille, et du blanc côté poisson.
Aussi, la bonne vieille « club » (jambon, fromage, œuf) s’agrémentera bien d’un vin rouge. Mais pas besoin de dégainer l’artillerie lourde avec de grands vins. Faites vous plaisir avec des associations de type vins de l’Auxerrois, (irancy, césar) ou du val de Loire (Bourgueil, saumur-champigny) par exemple…
Pour les crêpes au saumon ou aux saint-jacques, tentez un pouilly-fumé ou un Vouvray sec, voire un quincy.

Côté crêpes sucrées
Avec la traditionnelle crêpe au sucre, essayez tout simplement un coteaux-du-Layon au prix abordable. Avec les crêpes au chocolat, un vin doux naturel de type maury ou Banyuls, voire du côté des vins de liqueur comme le porto ou le pineau des Charentes, bref, des produits typés face aux arômes puissants du cacao.
Si vous introduisez des fruits, comme la banane, pensez à un accompagnement puissant (surtout si vous la marier, cette banane, avec du chocolat). Allez voir du côté des vendanges tardives plutôt jeunes.

Dans tous les cas, pensez aussi qu’un bon cidre fait très bien l’affaire. Sans hésiter, j’opterais pour un Kerné finistérien, tout de même médaille d’or au Concours général agricole en 2009. Yermat !

mercredi 1 février 2012

Le neufchâtel, premier-né normand

NORMANDIE : LE PAYS DE BRAY

Il revendique le droit d'aînesse sur tous les autres fromages normands: le neufchâtel serait le premier-né d'un des plus fameux plateaux de fromage de l'Hexagone. Sa forme en cœur n'y est pas étrangère.

Entre Normandie et Picardie, le pays de Bray joue de ses influences normandes avec des paysages qui n'ont rien à envier au pays de Caux : il possède de belles haies de pommiers scindant de larges prés où paissent des vaches… normandes, ou encore de bons produits laitiers renommés. Le pays de Bray, pays de lait, mais aussi pays d'eau : c'est un véritable trident aqueux qui s'enfonce sur un axe nord-ouest/sud-est. L'Epte, le plus pointu, l'Aulne et la Varenne qui le pourfendent de part en part, irriguent ses verts pâturages qui se maculent aujourd'hui des robes brunes et blanches des vaches normandes, introduites au XVIe siècle après une vaste campagne d'assèchement des marécages. La production de lait s'en trouve démultipliée, l'État accentuant les productions de beurre en taxant - ici aussi - le sel lourdement : le salage, onéreux, fait augmenter le prix des productions fromagères locales.
Quelles sont-elles ses productions fromagères ? Elles tournent surtout autour d'un seul fromage - le neufchâtel - qui revêt cependant diverses formes. Pour le cœur, on évoque les premières mentions médiévales du fromage, lorsque, pendant les guerres de Cent Ans, les jeunes femmes exprimaient - barrière des langues oblige - leurs sentiments envers les soldats anglais occupant la Normandie. Voilà pour la petite histoire.
Des producteurs restés joueurs
Le reste est plus sérieux, car ce neufchâtel, fromage à pâte molle et à croûte fleurie, possède une appellation contrôlée depuis 1969. Elle fut demandée par le Syndicat de défense du label de qualité du neufchâtel qui, né en 1958, était désireux de conserver, face à la déprise agricole d'alors, une qualité au produit. L'idée : faire face à une industrialisation de la filière galopante et à l'abandon de la production fromagère, plus compliquée que la vente directe du lait aux grandes coopératives.
Carré, briquette, double-bonde, ou encore gros-cœur… Les producteurs n'en sont pas moins restés joueurs, permettant, dans les textes de l'appellation, de conserver la variété des formes de ce fromage original.
Emprésuré, égoutté, le caillé est ensuite mis sous presse pendant une douzaine d'heures. La « pâte » ainsi obtenue est malaxée, ensemencée de spores avant d'être de nouveau pressée. Mise en repos, elle est salée et le fromage passe à l'affinage entre 12 et 14°C dans une cave à 95 % d'hygrométrie, pendant une dizaine de jours. Il peut être consommé jeune, encore blanc, ou plus vieux. II offre alors des tons jaunes, voire rouges.


Et le beurre dans tout ça ?
Il n'y a pas vraiment de tradition beurrière en Normandie, tout comme il n'y a pas vraiment un coin de ce pays qui n'en fasse pas ! En clair : dans un pays de lait, le beurre est une affaire courante. Le beurre dit normand est à ce titre doux, de très bonne qualité artisanale mais peu goûté. Un beurre malaxé, sans eau, dit sec, et d'excellente conservation. Jadis, le pouvoir royal avait tendance à en favoriser la production plutôt que de voir les paysans fabriquer du fromage. Au XVIIIe siècle,les prix furent donc maintenus artificiellement très bas pour inciter les producteurs à produire du beurre.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°223 (du 04 au 10 février 2005).