mercredi 15 février 2012

La morille, insaisissable bugiste

RHÔNE-ALPES : LE BUGEY

Ronde, élevée, commune, la morille est plurielle… pour ceux qui ont la chance d'en trouver, car, à l'inverse de certains refrains populaires, elles sont loin de se ramasser à la pelle…

Si le département était un trèfle, le coin en serait le subtil quatrième pétale, aux côtés de la Dombes, de la Bresse et du pays de Gex. Lui, c'est le Bugey, joli terroir coincé entre les boucles de l'Ain et du Rhône, aux reliefs aussi escarpés que ceux de la Dombes peuvent être plats et rectilignes… Ce pays limitrophe de la Haute-Savoie, du pays genevois et de l'Ile Crémieu iséroise est tout autant une authentique destination de ski (de fond mais aussi alpin…), de vin (notamment pour le Cerdon effervescent, les vins de Seyssel et autres marcs locaux…), ainsi qu’un concentré de curiosités géologiques avec ses nombreuses cluses, lacs, pains de sucre, grottes, falaises rocailleuses, cascades et autres combes humides. Un environnement escarpé, particulièrement propice au plus secret et insaisissable des champignons de nos contrées : la morille.
L'un des secrets les plus jalousement gardés d'ailleurs. Faites-en vous-même l'expérience, la seule prononciation du nom de ce champignon de la classe des ascomycètes - une sorte d'élite de ces espèces de « plantes » parasites ou saprophytes (*) - provoque immanquablement chez les aficionados de sa cueillette, une notable tension de l'oreille vers d'éventuelles bribes d'informations qui s'échapperaient d'une conversation peu précautionneuse. C'est qu'il est peu commode le bougre, se faisant aussi rare qu'imprévisible, mettant à l'épreuve tout nouveau candidat à la cueillette.
A bon ramasseurs...
Aussi, voici quelques conseils si vous souhaiteriez rejoindre le mouvement.
Soyez déjà vigilant sur la saisonnalité de la morille : tous vous diront, amateurs ou cueilleurs hors pair, que la saison a beau durer de mars à mai, il n'y a qu'une vraie quinzaine propice à sa trouvaille : de la mi-avril à la mi-mai. Mais aussi sur la localisation géographique : ce n'est pas parce que vous avez vos « taches », nom donné aux zones de cueillette, qu'elles vous seront fidèles à tout jamais. Ensuite, lorsque vous serez parvenu à bout de ces premières épreuves, il vous faudra faire le tri entre toutes les campagnes de désinformation sur le sujet, notamment celles - prolifiques - des lieux de trouvaille : on a souvent dit que la morille aimait le sapin, d'où une forte présence en Jura, mais sans doute pas autant que le frêne, qui est un peu à la morille ce que le chêne est à la truffe. Citons aussi les lilas, les bords de rivières et d'étangs, les coupes de bois, les sites d'incendie, ou encore les friches, pour ne prêter attention qu'à quelques-uns des endroits où se tapissent les « morchella », de leur nom savant.
Et si le Bugey a été évoqué pour planter le décor de la « star terroir » de la semaine, c'est parce que les lieux, mêlant éboulis et terrains rocheux à l'extrémité de l'arc jurassien, se prêtent particulièrement à la pousse de cette belle de printemps.

(*) Se dit de plantes qui se nourrissent de végétaux en décomposition


Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°174 (du 27 février au 04 mars 2004).


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