mercredi 8 février 2012

La baguette, « french touch » boulangère

ILE-DE-FRANCE : PARIS

C'est elle qui, parmi des milliers d'autres, symbolise le mieux à l'étranger nos produits de bouche, nos traditions, nos goûts culinaires… Elle s'est improvisée ambassadrice de notre savoir-faire et reste plébiscitée par toutes les générations de Français comme le pain par excellence : la baguette, une histoire de cœur.

Notre imaginaire est empli de clichés. Celui du titi parisien avec son béret vissé sur la tête et sa baguette de pain sous le bras est le plus célèbre. À cela rien de très original, mais c'est pourtant, à bien y regarder, l'image de la France qui est la plus véhiculée, celle qui semble nous caractériser aux yeux d'une grande partie de l'humanité ; une image qui se complète parfois de la présence, en toile de fond, de la tour Eiffel. Autant d'éléments qui ont toute leur cohérence, au moins en ce qui concerne la baguette de pain et la tour : la création et le développement de la baguette de pain restent bien attachés à la capitale parisienne, sa terre d'origine.
On ne présente plus Paris, sans doute l'une des plus belles capitales du monde au patrimoine époustouflant, des quais de Seine à la Butte Montmartre… Il n'en va pas de même pour la baguette de pain. Paris est unique, et les Américains, toujours intéressés par la possibilité de s'accaparer ce qui fonctionne chez les autres peuples, ont bien tenté de reproduire un petit bout de la ville à Las Vegas avec sa reproduction de Tour Eiffel, mais les puristes ne s'y trompent pas. En revanche, la baguette de pain à la française semble largement reproduite dans le monde entier, mais pas toujours égalée. Elle illustre, sans doute plus que quelques rues reproduites à taille humaine, le bonheur de vivre à l'Hexagonale, la « french touch »… Tour à tour courte et dense, longue et légère, plus ou moins prompte à se dessécher, elle possède des dizaines de longueurs, poids, couleurs différentes, que vous tentiez de la débusquer à New York, Sydney ou Montréal…
Rien que de la farine, de l'eau, du sel et de la levure
Pour autant, il n'y a jamais eu de réels cahiers des charges, de véritables volontés de figer une fois pour toute la baguette dans des moules trop rigides, dans une production, certes de qualité, mais standardisée. En 1993, la démarche du Club des boulangers, installé à Paris, aboutit sur un décret instituant une Baguette Bagatelle© label rouge, soit la naissance officielle d'un pain de tradition française de qualité supérieure. Ce décret précise encore aujourd'hui, pour ceux qui le revendiquent, la fabrication d'une baguette selon des critères fixes garants d'un savoir-faire et du respect du produit. Il crée donc une baguette exclusivement pétrie (pas plus de 10 minutes) et cuite avec une farine type également label rouge, et ceci par un boulanger qui respecte une méthode de panification artisanale rigoureuse. Rien que de la farine, de l'eau, du sel et de la levure, seule ou avec du levain (l'utilisation de levain liquide est tolérée à certaines conditions) : tels sont les ingrédients de base de la pâte qui va reposer longtemps en masse afin de laisser le temps aux arômes de se développer. Après ce repos, la baguette est cuite au four à sole. Hors du four, la baguette ne peut être commercialisée que sous étui papier protecteur, estampillé label rouge. Conservée chez soi dans un linge pour en préserver les arômes, la Baguette Bagatelle© label rouge est censée présenter une physionomie de 60 cm de longueur pour 5 à 6 cm de large. Quant à son poids, il ne devra pas excéder les 250 g, avec une tolérance de 5 % inférieur. Soupesée, corsetée avec soin… tout est fait pour que la Parisienne soit la plus belle. Et il est vrai que nul autre pain en France, malgré la richesse et l'inventivité des boulangers, ne lui soufflera sa première place.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°225 (du 18 au 24 février 2005).

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