La belle de Niort est parfois remisée dans le
placard aux souvenirs poussiéreux et aux vieilleries qui finissent par sentir
la naphtaline. Erreur, car derrière cette plante aux allures de carottes
sauvages vit une douce onctueuse, autrefois appréciée pour ses vertus toniques,
stimulantes et digestives.
Demandez aux personnes autour de vous quelle image peuvent-ils
associer le plus facilement à Niort, vous serez surpris(es) de la
réponse : assurances, banques et autres mutuelles. Cette image colle à la
ville comme un chewing-gum à la chaussure. On est, hélas, pourtant loin du
charme provincial de cette cité posée sur les rives de la Sèvre niortaise, de
ses rues aux vieilles maisons, des vestiges de l'ancien château fort et du
beffroi qui toise la ville avec le clocher de l'église Notre-Dame. Pour ce qui
est des alentours, le portrait n'est guère plus avenant que les idées reçues
sur Niort. Ici, aux portes du marais poitevin - dont la ville est à bien des
égards l'entrée sud-orientale, côté charentais - le paysage n'a guère de
volume, déployant une plaine que d'aucuns trouveraient morne… Tout, ici,
pourrait se résumer à une lancinante succession de cultures céréalières qui, à
perte de vue, contribue à une désagréable et ennuyeuse sensation de monotonie.
Seule la zone nord-ouest, au contact des marais, s'imbibe d'eau, pour nourrir
un paysage bocagé verdoyant. Heureusement, l'uniformité de ce paysage niortais
est souvent brisée par l'apparition d'églises, châteaux - plus ou moins en
ruines - et autres moulins ou lanternes aux morts.
Une belle d'origine… scandinave !
Une belle d'origine… scandinave !
Alors, pourquoi s'échiner à évoquer ce petit coin de
l'Hexagone ? Pour un ange, que l'on aborderait bien au féminin si les
archanges étaient sexués. Il s'agit de l'angélique, autrement appelée "herbe aux
anges", une plante aromatique que l'on cultive traditionnellement dans cette
région du pays niortais dans sa grande majorité pour la confiserie ou la
liquoristerie. Quand on sait que la belle est d'origine scandinave, introduite
sous nos latitudes par l'intermédiaire des cloîtres monastiques d'Europe de
l'Est qui l'affectionnaient particulièrement, on se dit que les plantes ont
décidément la bougeotte, entre celles qui viennent d'Asie, d'Amérique… Alors,
pourquoi pas du Grand Nord ? Pour ce qui est de sa présence dans la région
niortaise, si une petite tradition se pérennisait déjà au XIXe
siècle, celle-ci connut un nouvel essor vers l'an 1826, date où un certain
notaire, nommé Morisseau, décida de planter la belle dans les douves asséchées
du château de la ville. L'angélique, nécessitant des sols frais et des terres
ensoleillées, se plut dans cet environnement original et prospéra. Et de quelle
manière !
Les plus belles ne font pas moins de 2 mètres de
haut, et l'on ne compte plus aujourd'hui les jardins locaux qui s'illuminent,
au printemps, de ces petites fleurs verdâtres fortement odorantes. Hier, les
Deux-Sèvres étaient principale région de production avec les environs
Montbrison et de Lyon. Aujourd'hui, le savoir-faire n'est que niortais,
consistant en confitures, glaçages, crèmes, bonbons et autres brindilles de
Saintonge (chocolats fourrés à l'angélique), liqueurs…
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°193
(du 09 au 15 juillet 2004).
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