RHÔNE-ALPES : LES BARONNIES
Avec l'été, certains arbres finissent de fleurir
et livrent leurs trésors. Ici, en Baronnies, aux confins méridionaux de la
Drôme, où la terre prend des allures de Provence, c'est le tilleul qui tient la
vedette.
C’est à raison que les professionnels du tourisme
développèrent voilà quelques années le concept - fort en évocations
ensoleillées - de la « Drôme provençale » pour imager le sud du
département, en opposition au nord « labellisé » géographiquement de
« Drôme des collines ». Car il suffit d'arpenter un peu la région la
plus méridionale de ce sympathique département - la Drôme - pour sentir poindre
tous les charmes de la plus vendeuse des régions de France : la Provence.
Parfums de thym, buis et genévrier, tilleul et autres
lavande et lavandin pour dégager d'ineffables arômes dans l'air, villages
perchés aux murs blancs écrasés par le soleil aux heures chaudes, et déjà un
fort accent méditerranéen sur les places de marchés ou sur les terrasses…
Bienvenue dans les Baronnies, ultimes préAlpes du Sud, tortueux enchevêtrement
de crêtes effilées et de ravins inaccessibles. L'origine de ce nom aux
consonances historiques est à chercher du côté de la tumultueuse époque
médiévale où, faute de grands axes de communications et d'un pouvoir central
fort, une multitude de seigneurs locaux se partageaient la région.
Aujourd'hui, le climat chaud mais tempéré s'avère
particulièrement propice à la culture d'arbres et plantes aromatiques, comme la
lavande, mais aussi le mimosa, en fleur dès le mois d'avril et, plus tardif, le
tilleul, dont les marchés, qu'il s'agisse de ceux de Nyons, capitale locale de
ce pays, ou de Buies, exhalent les douces senteurs.
Une sélection parmi plusieurs souches
À ceux qui voudraient voir dans ce développement
aromatique un des derniers avatars « attrape-touristes » du moment,
sachez que le tilleul est ici chez lui à titre productif depuis le début du XIXe
siècle, époque où les populations locales durent compenser par d'autres sources
de profits l'abandon de la garance, cette racine produisant une coloration
rouge vif, et surtout la sériciculture (ver à soie).
On planta alors des tilleuls dans les vallons de la
Drôme, mais aussi sur les pentes, un investissement dont les premiers fruits ne
furent récoltés qu'une demi-douzaine d'années plus tard, lors des mois de juin
et juillet, selon l'altitude des arbres… Au fil des années, un travail de
sélection permis d'isoler différentes souches comme le tilia bénivay, aux fleurs très odorantes, ou encore le tilia
platyphylos, qui fut unanimement
adopté en Baronnies. Quand on sait qu'un arbre de taille moyenne produit
environ 10 kg de fleurs séchées et que la production annuelle monte bon an
mal an à peu près à 450 tonnes de tilleul, combien d'arbres bordent les routes de
la région? Aujourd'hui, on en recense pas moins de 30 000 sur les cinq cantons
de Buis-les-Baronnies, Rémuzat, Séderon, Nyons et La Motte-Chalançon, soit
environ 90 % de la production hexagonale ! Une production, nationale
aux ventes érodées par la concurrence des pays de l'Est ou de la Chine, d'où la
volonté pour les producteurs d'acquérir une IGP pour venir renforcer les
dénominations de « Tilleul des Baronnies » ou « Tilleul de
Carpentras ».
Pour l'heure, on se contentera de l'ambiance colorée
et parfumée des marchés, comme celui de Buis-les-Baronnies, où une foule
bariolée descendue des villages environnants - et eux seuls - vient vendre dans
ses « bourras » de tissus le tilleul fraîchement cueilli.
Après l'expertise des acheteurs, le prix est fixé, l'affaire
est conclue, et rendez-vous est pris l'année prochaine pour la nouvelle
récolte.
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°195
(du 23 au 29 juillet 2004).
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