mercredi 25 juillet 2012

Le sel de Guérande : de gris, de blanc et d’argent

PAYS DE LOIRE : PAYS DE GUERANDE

Quand toute une région vit à l'unisson du plus noble des. produits, celui que les hommes cherchèrent de tout temps, le paysage ne peut que vibrer pour lui. Guérandais, pays de la plus fameuse des fleurs de sel est de celles-là…


© J Frizot.
La Loire bordant le sud, la Vilaine drainant le nord et, au large, vers le couchant, l'onde de l'Océan Atlantique… Bienvenue dans le « Gwen ran » comme disent les Bretons, le « pays blanc », celui du Guérandais. Une terre blanche de ses plages de sables fins, de sa pierre, très lumineuse, et de ses marais, pas encore salants, sur lesquels, déjà dans les temps reculés, le soleil aimait jouer de ses reflets argentés. À cette époque, les populations récupéraient déjà le sel, mais par une tout autre méthode que celle des paludiers. Jadis, le sel était, en effet, extrait par combustion de la terre argileuse dans des fourneaux, grâce à la cristallisation. La technique qui, aujourd'hui encore, se dévoile ces jours-ci - juillet est le mois de récolte - aux visiteurs, celle des paluds, date du IXe siècle, une technique dite solaire puisqu’elle fait appel à une pratique tripartite où l'astre solaire joue un rôle prépondérant.
L'eau, le soleil et le vent : ce tiercé gagnant, avec la complicité de la main de l'homme, n'en finit pas de donner le « la » à cette région littorale, d'influer sur son bien-être, son moral, sa bonhomie. Que la saison des paludiers soit mauvaise, tout le pays s'en ressent, que les marais prennent froid, le Guérandais est en deuil. Voilà tout de même un bon millénaire que cela dure, que ce qu'il est ici convenu d'appeler le « caviar de la mer » fait la pluie et le beau temps.
Au coeur du pays, la "Carcassonne bretonne"
Pour poursuivre la métaphore, certains diront que ce sel se paye ici un emballage somptuaire, qui inspira des générations de peintres aquarellistes et autres photographes en mal d'images doucereuses. Mieux, la capitale de ce petit pays possède elle aussi un somptueux écrin, légué par des générations de Guérandais : une ceinture de remparts qui autorise les gens d'ici à appeler respectueusement leur ville, la « Carcassonne bretonne ».
En fait, ce n'est pas un, mais deux caviars, un peu comme les Russes ont le « sévrouga » et le « bélouga ». Ici, on a le gros sel et la fleur de sel : le premier possède une couleur grise, due à la base argileuse des œillets, ces bassins de rétention d'où l'eau s'évapore. la fleur de sel reste le produit noble entre tous : cueillie à l'aide des las, ces espèces de râteaux à très long manche muni à leur extrémité d'une planchette, elle reste de couleur immaculée, rose quand elle est extraite, blanche après séchage. Cette fleur passe en cuisine pour avoir un extraordinaire pouvoir pénétrant dans les aliments, et ceci grâce à une dissolution remarquable dans l'eau chaude (1). À titre comparatif, si chaque œillet délivre par campagne (soit un an) environ 1.500 kg de gros sel, seuls 80 kg de fleur de sel sont cueillis à la surface des « bassins ».
Enfin, pour ceux qui en doutaient, le sel de Guérande est un produit sain, naturel, ne faisant l'objet d'aucune manipulation sinon son conditionnement. Mieux, il peut se vanter d'avoir obtenu nombre de labels, parmi lesquels, le label Rouge (1991), la norme de qualité ISO 2001, mais aussi le Certificat de Conformité Produit (CCP).

(1) Ce qui nécessite une adjonction en fin de cuisson, et non en cours, comme pour un sel normal.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°196 (du 30 juillet au 05 août 2004).

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