mercredi 9 mai 2012

Dame carpe y est reine !

CENTRE : LA BRENNE

Coincée entre le Berry et la Touraine, la Brenne propose une alternative amphibie à la langueur des plats paysages alentour. Archipels d'étangs en terre céréalière, la région vaut pourtant pour l'une de ses spécialités : la carpe.

© PNR Brenne - Hellion - Van Ingen.
On ne le dira jamais assez : il faut savoir prendre le temps de s'arrêter sur la route des vacances pour apprécier ces coins de France que l'on a trop vite fait de traverser sans leur laisser la moindre chance. La Brenne est de ceux-là, sur la route des Bourguignons qui souhaiteraient rejoindre le pays Rochefortais et, au-delà, les îles de Ré et d'Oléron… On fuit ces pays comme si la peste y était revenue, pressés que nous sommes d'en découdre avec la mer. Tous, nous méprisons ces villes où flotte cette fausse impression que rien ne s'y passe, comme au Blanc, aux berges mouillées par la Creuse.
On découvre pourtant, aux portes de cette ville, un paysage qui n'a absolument rien à envier à la Dombes ou à la Sologne, avec ses quelque 1200 étangs éparpillés sur presque 8 000 hectares… Ici, vivent des espèces souveraines de mammifères, poissons, oiseaux et autres gibiers d'eau. Oui, le pays est plat, mais tellement riche de son patrimoine, avec ses églises et ses vieux bâtiments agricoles de pierres aux reflets roses.
Un paysage naturel ?
Assèchement des marécages, défrichement des landes, creusement de puits pour abreuver les bêtes dans les prairies… les moines ont joué ici, comme en pays dombiste, un rôle déterminant dans la physionomie des paysages, laissant, un peu plus que dans l'Ain, des forêts pour les cervidés… Ceux-ci ne sont d'ailleurs qu'une facette de la diversité animale et végétale de ce coin de France, qui - s'il souffre de l'exode de ses habitants - reste d'une douce beauté mise en valeur par l'équipe du parc naturel régional de la Brenne.
L'un des symboles de ces espaces amphibies, que de nombreux amateurs et passionnés mêlés viennent fréquenter, reste la carpe ! Elle demeure ici la reine incontestée dont les exploitants des étangs ont, depuis vingt, pris la décision de rationaliser la production. C'est en février-mars de l'année qui suit la naissance des alevins que ceux-ci sont transférés dans un bassin. Ils y terminent une rapide croissance grâce à une alimentation à base d'œuf et une oxygénation artificielle des trous d'eau pour éviter qu'ils étouffent.
Ceux qui auront survécu connaissent alors une nouvelle difficulté, celle que représente pour eux le cormorans qui prélève sa dîme dans les étangs.
Selon les estimations des professionnels, l'oiseau se nourrit de 500 kilos à une tonne de poisson par jour sur les plans d'eau de la Brenne. L'autre prédateur reste l'homme avide, par exemple, d'une bonne marinade de carpe fumée…

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°235 (du 29 avril au 05 mai 2005).

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