mercredi 2 mai 2012

Le camus, artichaut-roi de la ceinture dorée

BRETAGNE : LE HAUT-LÉON

Les atouts de ses sols ont fait du Léon, situé aux portes du Finistère breton, une terre d'excellence pour la culture des primeurs. L'un des plus connus d'entre eux n'est autre que l'artichaut.

Terre de confins l'extrémité de la Bretagne ? C'est mal connaître les Bretons qui se sont ici évertués à toujours se situer au milieu des échanges, fussent-ils maritimes. La construction d'un port en eau profonde à Roscoff n'est-elle pas l'illustration de cette volonté d'ouverture et de commerce ? Ne cherchez pas ici l'ombre bénéfique des forêts de légende : hormis quelques bosquets, les arbres se font rares en Haut-Léon. La faute aux hommes qui développèrent dans cette région au climat bénéfique, tempéré par les influences océaniques chaudes du Gulf Stream, les cultures maraîchères, les primeurs, et ceci depuis les temps les plus reculés. Qui traverse le Léon pour rejoindre Roscoff ou Saint-Pol-de-Léon rencontre d'immenses champs de choux-fleurs, mais aussi d'artichauts… Seuls les clochers des villages marquent l'horizon, des villages parfois opulents, avec leurs somptueux enclos paroissiaux, illustration de la vigueur de la foi en ces terres catholiques où une partie de la population - armateurs, tisserands, marchands… - vit dans le luxe. Épars, de superbes manoirs émaillent la campagne de leurs hautes silhouettes.
L'intensité de la production et les enjeux économiques de cette activité agricole, à laquelle se mêlent oignon de Roscoff, échalote, tomate et autres productions horticoles ornementales, a fini par générer une appellation spécifique à cette terre d'exception : on parle ici de « ceinture dorée ». Une production de haut niveau, que des siècles d'apprentissage et de travail de la terre ont rendu particulièrement intéressante : il faut remonter au XVIIIe siècle pour voir arriver les premiers artichauts des pays méditerranéens en terre bretonne. L'essai est à porter à l'initiative d'un évêque, celui de Saint-Pol, qui tente l'adaptation de la plante dans son jardin. Les sols sont alors enrichis au goémon, l'autre nom local du varech, ces algues rejetées sur les plages par les vagues. La greffe prend tant et si bien que la culture explose en pays léonard renvoyant au vestiaire la tradition du lin, plante très appréciée pour la confection de tissus qui ne pousse qu'aux abords des eaux de la région. L'introduction de la plante en ces lieux correspond aussi à une petite révolution culinaire, puisque le plat était jusqu'à alors réservé aux tables aisées.
Le développement des transports profite directement aux producteurs locaux qui - notamment par train - peuvent écouler leurs marchandises dans de bons délais.
Les siècles ont passé et la star locale s'appelle aujourd'hui le camus, une variété très appréciée et majoritaire qui en croise d'autres comme le castel, de très bonne tenue une fois cueilli et aux parfums très délicats. Le violet est aussi présent, dans une moindre mesure, dans les champs léonards. Aujourd'hui, la profession s'est organisée autour d'un marché au cadran, Saint-Pol, ancienne capitale religieuse du Léon devenant capitale de l'artichaut de Bretagne.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°185 (du 14 au 20 mai 2004).

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