BRETAGNE : LE HAUT-LÉON
Les atouts de ses sols ont fait du Léon, situé aux
portes du Finistère breton, une terre d'excellence pour la culture des
primeurs. L'un des plus connus d'entre eux n'est autre que l'artichaut.
Terre de confins l'extrémité de la Bretagne ?
C'est mal connaître les Bretons qui se sont ici évertués à toujours se situer
au milieu des échanges, fussent-ils maritimes. La construction d'un port en eau
profonde à Roscoff n'est-elle pas l'illustration de cette volonté d'ouverture
et de commerce ? Ne cherchez pas ici l'ombre bénéfique des forêts de
légende : hormis quelques bosquets, les arbres se font rares en Haut-Léon.
La faute aux hommes qui développèrent dans cette région au climat bénéfique, tempéré
par les influences océaniques chaudes du Gulf Stream, les cultures maraîchères,
les primeurs, et ceci depuis les temps les plus reculés. Qui traverse le Léon
pour rejoindre Roscoff ou Saint-Pol-de-Léon rencontre d'immenses champs de
choux-fleurs, mais aussi d'artichauts… Seuls les clochers des villages marquent
l'horizon, des villages parfois opulents, avec leurs somptueux enclos
paroissiaux, illustration de la vigueur de la foi en ces terres catholiques où
une partie de la population - armateurs, tisserands, marchands… - vit dans le
luxe. Épars, de superbes manoirs émaillent la campagne de leurs hautes
silhouettes.
L'intensité de la production et les enjeux
économiques de cette activité agricole, à laquelle se mêlent oignon de Roscoff,
échalote, tomate et autres productions horticoles ornementales, a fini par
générer une appellation spécifique à cette terre d'exception : on parle
ici de « ceinture dorée ». Une production de haut niveau, que des
siècles d'apprentissage et de travail de la terre ont rendu particulièrement
intéressante : il faut remonter au XVIIIe siècle pour voir
arriver les premiers artichauts des pays méditerranéens en terre bretonne.
L'essai est à porter à l'initiative d'un évêque, celui de Saint-Pol, qui tente
l'adaptation de la plante dans son jardin. Les sols sont alors enrichis au
goémon, l'autre nom local du varech, ces algues rejetées sur les plages par les
vagues. La greffe prend tant et si bien que la culture explose en pays léonard
renvoyant au vestiaire la tradition du lin, plante très appréciée pour la
confection de tissus qui ne pousse qu'aux abords des eaux de la région.
L'introduction de la plante en ces lieux correspond aussi à une petite
révolution culinaire, puisque le plat était jusqu'à alors réservé aux tables
aisées.
Le développement des transports profite directement
aux producteurs locaux qui - notamment par train - peuvent écouler leurs
marchandises dans de bons délais.
Les siècles ont passé et la star locale s'appelle
aujourd'hui le camus, une variété très appréciée et majoritaire qui en croise
d'autres comme le castel, de très bonne tenue une fois cueilli et aux parfums
très délicats. Le violet est aussi présent, dans une moindre mesure, dans les
champs léonards. Aujourd'hui, la profession s'est organisée autour d'un marché
au cadran, Saint-Pol, ancienne capitale religieuse du Léon devenant capitale de
l'artichaut de Bretagne.
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°185
(du 14 au 20 mai 2004).
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