mercredi 17 octobre 2012

La mûre, grâce noire des bas-côtés


RHONE-ALPES : LE COIRON

La mûre reste pour beaucoup une baie attrapée dans un buisson sous la menace des épines et des punaises… Qui ne s'est pourtant jamais délecté de ces confitures à robe aussi sombre qu'une nuit sans Lune ?

Tous les pays de Rhône-Alpes ne respirent pas les alpages ou la lavande à la haute saison. Adossé aux Cévennes vivaroises, le Coiron n'a rien d'une verte campagne où la beauté se conjugue avec la bonhomie. Ce plateau de basalte passe pour être un peu sinistre, avec sa terre noire, son paysage entaillé par l'érosion décorée de ses dykes, ces anciennes cheminées éruptives dégagées par les ruissellements. Ici, les pâturages alternent avec quelques plantations de châtaigniers - originales pour le pays ardéchois - ou des vergers de prunelliers. Autant être honnête, l'homme ne court pas les champs dans ce pays qui a la réputation d'être l'un des plus désertés de la région avec moins de dix âmes au kilomètre carré. Si on voulait noircir le tableau, on dirait que l'un des fruits du coin est aussi sombre que la terre, comme cette mûre que l'on voit vagabonder sur la lande.
Ce fruit de la famille des rosacées reste tout de même souvent associé à une mauvaise plante des lisières de bois, des bas-côtés, avec son envergure aussi impressionnante (presque cinq mètres !) et ses épines prêtes à accrocher le plus gourmand des promeneurs. Ce physique un rien pas très gracieux se conjugue aussi avec une endurance remarquable, puisque la mûre peut résister à des températures polaires proches de -25°C ! Et pour couronner le tout, elle pousse sur tous les types de sol. Bon, d'accord, elle possède tout de même des avantages, des qualités, notamment en matière diététique : ce fruit fait preuve d'une bonne richesse en vitamine C, mais aussi en fibre, en magnésium et potassium.
Il ne faut pas non plus y chercher l'excellence d'autres fruits : la mûre contient 85 % d'eau, des glucides de l'ordre de 8 à 10 %. Pour ce qui est de la valeur calorique, elle s'apparente à celle de la pomme avec 54 kcalories. À relever, des traces d'oligo-éléments, comme le zinc, le manganèse ou le cuivre. Bref, un sympathique cocktail recommandé dans la prévention des maladies cardio-vasculaires, la fortification des gencives et aussi les soins contre les ulcérations de la bouche. Oui, mais voilà, le marché de la mûre cultivée reste à bien des égards à l'état embryonnaire, et la consommation de ce fruit reste le fait des glaneurs et glaneuses, menus plaisirs chapardés sur les bords de route.

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°258 (du 07 au 13 octobre 2005).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire