RHONE-ALPES : LE COIRON
La mûre reste pour beaucoup une baie attrapée dans
un buisson sous la menace des épines et des punaises… Qui ne s'est pourtant
jamais délecté de ces confitures à robe aussi sombre qu'une nuit sans Lune ?
Tous les pays de Rhône-Alpes ne respirent pas les
alpages ou la lavande à la haute saison. Adossé aux Cévennes vivaroises, le
Coiron n'a rien d'une verte campagne où la beauté se conjugue avec la bonhomie.
Ce plateau de basalte passe pour être un peu sinistre, avec sa terre noire, son
paysage entaillé par l'érosion décorée de ses dykes, ces anciennes cheminées
éruptives dégagées par les ruissellements. Ici, les pâturages alternent avec
quelques plantations de châtaigniers - originales pour le pays ardéchois - ou
des vergers de prunelliers. Autant être honnête, l'homme ne court pas les
champs dans ce pays qui a la réputation d'être l'un des plus désertés de la
région avec moins de dix âmes au kilomètre carré. Si on voulait noircir le
tableau, on dirait que l'un des fruits du coin est aussi sombre que la terre,
comme cette mûre que l'on voit vagabonder sur la lande.
Ce fruit de la famille des rosacées reste tout de
même souvent associé à une mauvaise plante des lisières de bois, des bas-côtés,
avec son envergure aussi impressionnante (presque cinq mètres !) et ses
épines prêtes à accrocher le plus gourmand des promeneurs. Ce physique un rien
pas très gracieux se conjugue aussi avec une endurance remarquable, puisque la
mûre peut résister à des températures polaires proches de -25°C ! Et pour
couronner le tout, elle pousse sur tous les types de sol. Bon, d'accord, elle
possède tout de même des avantages, des qualités, notamment en matière
diététique : ce fruit fait preuve d'une bonne richesse en vitamine C, mais
aussi en fibre, en magnésium et potassium.
Il ne faut pas non plus y chercher l'excellence
d'autres fruits : la mûre contient 85 % d'eau, des glucides de
l'ordre de 8 à 10 %. Pour ce qui est de la valeur calorique, elle
s'apparente à celle de la pomme avec 54 kcalories. À relever, des traces
d'oligo-éléments, comme le zinc, le manganèse ou le cuivre. Bref, un
sympathique cocktail recommandé dans la prévention des maladies
cardio-vasculaires, la fortification des gencives et aussi les soins contre les
ulcérations de la bouche. Oui, mais voilà, le marché de la mûre cultivée reste
à bien des égards à l'état embryonnaire, et la consommation de ce fruit reste
le fait des glaneurs et glaneuses, menus plaisirs chapardés sur les bords de
route.
Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°258
(du 07 au 13 octobre 2005).
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