mercredi 24 octobre 2012

Le rêve blanc de Sully…


PACA : LA CAMARGUE

Basmati, thaï… Si les Français ne jurent que par les riz parfumés d'origine exotique, le riz de Camargue n'en demeure pas moins une valeur sûre dans une concurrence où les parts de marchés sont âprement disputées.

On pourrait gloser pendant des heures sur la magie des paysages locaux, évoquer la beauté du nord du delta, le dépaysement provoqué par ces ranchs posés entre quelque bois épars. Plus au sud, on pourrait vanter le mystère enveloppant les roselières, les lagunes et les marécages. Mais on s'éloignerait presque de l'essentiel, c'est-à-dire du rôle de la riziculture dans les environs, et de la façon dont cette présence aide à la préservation d'un équilibre que les bras du Rhône, endigués depuis plus d'un siècle, ne permettent plus d'entretenir.
Autant être clair, sans l'espèce Oryza Sativa - du nom de la variété locale - le coin ne serait qu'une vaste zone désertique et hostile, dévorée par le sel.
Notre bon vieux Sully caressait déjà le rêve de cultiver la céréale dans la région, mais il faut attendre l'époque d'une certaine modernité, le XIXe siècle, pour voir apparaître des évolutions notables dans une production qui reste médiocre. C'est de cette époque que datent les travaux gigantesques édifiant un impressionnant système d'irrigation capable d'apporter l'eau douce dont le riz a besoin. Principe élémentaire de cette opération : l'apport d'eau douce empêche l'eau salée de remonter des sous-sols et de brûler la végétation.
98 % du riz français
Mais tout problème n'en est pas pour autant résolu. Le riz connaît une époque de vache maigre, voici une vingtaine d'années. Les marais salants se partagent alors le territoire de Camargue avec te blé, le riz souffre d'une chute des prix. Puis les cours reprennent à la hausse. Une aubaine. Les producteurs, alors en plein effort pour remonter la pente, bénéficient directement de cette conjoncture nouvelle. Aujourd'hui, les chiffres sont là : 20.000 hectares récoltés par près de 300 agriculteurs pour une production variable, selon que l'on parle de riz dit « paddy » ou de riz blanchi (*), de près de 110.000 tonnes par an.
En parallèle, les producteurs lancent des démarches pour obtenir une certification de conformité avec un objectif louable: produire un riz irréprochable et ceci dans le respect environnemental le plus complet. Cette démarche, couronnée de succès en 1998, en appelle une autre, celle de l'Indication géographique protégée (lGP) « riz de Camargue », acquise en 2000.
Aujourd'hui, la Camargue n'est pas peu fière de produire 98 % du riz français avec un rendement à l'hectare de l'ordre de 6 tonnes !

(*) Le riz paddy est le riz brut à la récolte. Pour être appelé « blanchi », il doit d'abord être décortiqué et débarrassé de sa balle non comestible qui l'entoure, à cette étape, il est dit « complet » ; le grain est ensuite poli pour le débarrasser de ses téguments et du germe : là, il est dit « blanchi ».

Julien Frizot – Le Bien Public – Quartier libre n°208 (du 22 au 28 octobre 2004).

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